Lors du Super Bowl 2024, Beyoncé a dévoilé deux nouveaux titres. Un style country qui s’éloigne évidemment de ce qu’elle fait habituellement… et qui n’est pas anodin. On vous explique pourquoi.
Difficile de ne pas en avoir entendu parler : le Super Bowl est la finale du championnat de football américain. Rendez-vous capital aux États-Unis, plusieurs millions de personnes le regardent chaque année. Une audience colossale aussi bien pour les publicitaires que pour les artistes, attentifs à ce qui se passe sur le terrain… et à ce qui se passe en dehors.
La mi-temps du Super Bowl, notamment, attire chaque année les regards. Tous les ans, les plus grands noms de l’industrie musicale en profitent pour y proposer un show toujours spectaculaire, généralement riche en artifices et en chorégraphies. Ces dernières années, on pense par exemple aux shows de Rihanna, de The Weeknd, ou à celui, absolument légendaire, de Prince.
Cette année, c’était Usher qui était sur scène. Malheureusement pour lui, il s’est fait voler la vedette par les deux plus grosses stars de la pop américaine.
Force de frappe politique
Pour commencer, Taylor Swift. Celle qui avait profité des Grammy Awards — lors desquels elle a remporté la récompense de l’album de l’année pour la quatrième fois — pour annoncer un nouvel album, The Dead Poet Society, était présente dans la loge VIP des gradins du Super Bowl. Et pour cause : Travis Kelte, son fiancé, est joueur chez les Chiefs de Kansas City, l’une des équipes s’affrontant lors de la finale. Les flashs des paparazzis, ainsi, étaient tournés vers le terrain… mais aussi vers les tribunes.
La deuxième icône qui n’était pas censée être au centre de ce Super Bowl 2024, c’est Beyoncé. Lors d’un spot publicitaire diffusé lors de la coupure pub juste avant le show de Usher, elle a pris tout le monde par surprise en dévoilant deux nouveaux titres : « Texas Hold ’em » et « 16 Carriages ».
Que ces deux chanteuses soient au centre de ce Super Bowl revêt une signification politique importante. Rappelons que la présidentielle américaine aura lieu le 5 novembre 2024, dans un pays qui n’avait pas été aussi polarisé depuis très longtemps.
Les deux chanteuses jouissent en effet d’une popularité énorme, en particulier chez les jeunes. Une influence qui leur confère un certain impact politique, que courtisent les partisans de tout bord. Le camp Trump redoute par exemple que Taylor Swift appelle au vote pro Biden, n’hésitant pas à salir considérablement la chanteuse.
Pour certains, Taylor Swift incarne en effet un symbole d’union entre deux Amériques divisées. Elle vient du Tennessee, un État du sud des USA, et s’est d’abord fait connaître dans la country, un milieu dont le public est plutôt traditionaliste et conservateur. Avec sa dégaine de belle-fille idéale, elle plaît donc beaucoup à l’Amérique Républicaine.
Mais Taylor Swift arrive aussi à fédérer les jeunes démocrates, grâce à son image et ses prises de paroles. Elle avait notamment publiquement soutenu Joe Biden et appelé à voter pour lui en 2020. Taylor Swift a donc une aura dans les deux camps politiques, et est une potentielle force de frappe chez les électeurs indécis.
De la country en Amérique divisée
Beyoncé est quant à elle connue pour sa défense et sa célébration de la communauté afro-américaine. Pour rester dans le thème, on peut évoquer son show du Super Bowl 2016, où ses danseuses étaient habillées façon Black Panther, et avaient posté des messages contre les violences policières. Difficile ne pas aussi évoquer Renaissance, son album sorti en 2022, où elle rendait hommage à la culture LGBT noir-américaine.
En sortant ces deux nouveaux sons country, elle s’aventure donc dans un genre majoritairement blanc et conservateur. Mais ce geste est symbolique : il est important de rappeler que la country, avant d’être un genre à prédominance blanche, est issu du même fond commun que le blues.
La country est à la base une musique d’afro-américains ; c’est à partir de l’entre-deux-guerres que les maisons de disques ont séparé ce qui s’appelait alors la hillbilly music en version blanche et version noire (qu’elles nommaient « race music« ). Une division accentuée avec une importante migration des afro-américains vers le nord du pays, accentuant la vision nostalgique d’un sud rural, d’où le qualificatif de « country music ».
Je retourne dans le sud… où mes racines ne sont pas diluées.
Beyoncé
Comme l’avait fait Lil Nas X avec Old Town Road, Beyoncé continue donc à se réapproprier son héritage. Elle précisait sa volonté, en 2019, sur son single « Black Parade » : « Je retourne dans le sud… où mes racines ne sont pas diluées. » Houston, au Texas, est sa ville natale, et l’héritage cow-boy de la ville a eu une grande influence sur son enfance.
La sortie de ces deux nouveaux singles, en plus d’être un excellent move commercial, n’est donc pas anodin. C’est une façon de franchir les barrières de race et de classe, de désamorcer la polarisation du pays, et des streams. Elle a aussi annoncé la date de son futur album, pour l’instant sobrement nommé ACT II (alors que Renaissance était à la base annoncé comme ACT I) : le 29 mars. Le rendez-vous est pris !