À Pau, Franck Paillanave, pigiste pour BFMTV mais aussi C L’info, média local pour lequel il était en reportage ce week-end, s’est pris des coups. On l’a joint par téléphone.
Reporter dans les manifestations des gilets jaunes est parfois un métier dangereux. Plusieurs agressions ont été rapportées ces derniers jours. Le 5 janvier à Rouen, une équipe de BFMTV et ses gardes du corps étaient pris en chasse… Ce samedi c’était au tour de LCI, dans la même ville de Rouen : l’agent de sécurité qui accompagnait l’équipe a été violemment frappé au sol. BFMTV a encore été pris pour cible, à Paris, une plainte a été déposée.
À Pau, Franck Paillanave, pigiste pour BFMTV mais aussi C L’info, média local pour lequel il était en reportage ce week-end, s’est pris des coups. On l’a joint par téléphone.
« Menteur », « Collabo », « BFM Macron »…
Que s’est-il passé exactement samedi soir ?
Franck Paillanave : On était présents dès le début de la manifestation, c’était une manifestation nocturne on est arrivés à 19h30 pour un départ à 20h. La première partie s’est bien passée, on a déambulé en faisant le tour du centre-ville de Pau et dans la deuxième partie ça a commencé à être un peu plus compliqué pour nous. On s’est rapproché du centre-ville, alors qu’on était en train de réaliser un direct, on a commencé à être entouré d’une dizaine de personnes qui au début criaient « menteur », « collabo », « BFM Macron »… L’un d’eux s’est rapproché très fortement de nous et nous a un peu bousculé. J’ai voulu l’éloigner et à ce moment-là une autre personne m’a donné un coup de pied au niveau de la jambe.
BFM TV est dans la bouche de tous les gilets jaunes
C’était une manifestation de nuit, l’acte II des marches nocturnes, après Tarbes la semaine dernière c’était à Pau. Vous couvrez les manifestations depuis le 17 novembre et vous dites avoir constaté une progression dans la violence : d’abord inexistante, elle a ensuite été verbale et maintenant physique. Vous sentez un traitement particulier réservé à BFM TV ?
Franck Paillanave : Oui vraiment. Quand je vois qu’hier à Bourges j’ai des collègues de BFM qui ont été escortés par des gilets jaunes pour sortir de la manifestation parce qu’ils ne voulaient pas d’eux. On voit que la semaine dernière à Rouen ou à Toulouse des collègues se sont fait courser par des gilets jaunes… BFM TV est en fait dans la bouche de tous les gilets jaunes. Quand les gens venaient vers nous hier soir, ils nous disaient « Vous êtes de quel média ? Vous n’êtes pas de BFM ? » et dès qu’ils ont vu une caméra avec quelqu’un en direct ils se sont dit « c’est BFM ».
Pourquoi BFM, qui a donné une large place aux gilets jaunes depuis le début du mouvement, est prise pour cible, c’est un peu mystérieux de mon point de vue… Désormais les journalistes couvrent l’événement sous escorte, que comptez-vous faire ? Ne plus aller dans les manifs ? Y retourner avec une escorte ?
Franck Paillanave : On ne sait pas, car nous sommes un petit média et n’avons pas les moyens de payer deux gardes du corps, un pour le caméraman et un pour le rédacteur. En direct le caméraman est concentré sur l’image et la diffusion et le rédacteur sur le papier qu’il doit expliquer sur la situation. On ne peut pas se permettre d’avoir la tête ailleurs et de regarder derrière nous s’il n’y a pas de problème. On n’a pas le budget pour. Est-ce que pour autant on va arrêter d’en parler ? Je ne sais pas.
Il y a parmi les gilets jaunes des gens qui ne croient pas les journalistes. Leur présupposé est qu’un journaliste qui travaille pour un grand média ment, et la presse locale c’est pareil. D’où ça vient, d’après vous ?
Franck Paillanave : La seule chose que je peux dire à ce sujet, c’est qu’on entend la critique, tant qu’elle est constructive et qu’on nous l’explique. Ce que l’on entend pas c’est la violence physique. Ce qu’il ne faut pas oublier c’est que derrière la caméra, derrière un micro, un calepin ou un appareil photo il y a un être humain qui a un cerveau, qui a un coeur, qui a des sentiments, des opinions. On a deux bras, on a deux jambes, on est comme tout le monde, et ces dernières semaines une barrière a été franchie.
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