Le collectif “Funk no Poder” vient de lancer une pétition dans le but de créer un jour national de la culture funk au Brésil. Elle sera portée devant le congrès brésilien.
Durant ces bientôt 40 années d’existence, le baile funk (une sorte de musique électronique qu’on appelle aussi Funk Carioca ou Favela Funk) a souvent servi de bouc émissaire aux autorités, qui le taxait d’être vecteur d’une idéologie violente, hypersexualisée et de faire l’apologie du trafic de drogue.
Pour être honnête, c’est vrai que les paroles et les clips de certaines mouvances de baile funk font référence au sexe, au traffic et aux armes. “Rap Das Armas” de Mc Junior & Leonardo – ce morceau sera un pionnier de la frange de baile funk “proibado” (interdit) – en est un bon exemple. Les paroles sont crues, brutales, on parle de Uzi, d’AR-15 et de M16, mais ces fusils d’assaut n’y sont pas glorifiés. Ces armes sont présentes dans les paroles comme elles sont présentes dans la vie de ceux qui les rappent.
Au Brésil, il est interdit de promouvoir la criminalité dans une chanson. Donc, pas de radio ou de concert pour la baile funk “proibado”. Mais la répression ne s’arrête pas aux frontières entre les sous-genres de ce style musical. Dans un article de Blender paru en 2005, Dj Marlboro, un des pionniers de la baile funk, raconte comment la police a criblé de balles un sound-system à l’un de ces concerts, pour avoir joué de la “musique de merde”.
Souvent ces sound-systems ont lieu dans des clubs perchés dans les favelas. C’est aussi le théâtre de la plupart des clips de baile funk, et parfois le terrain où les gangs et la police s’affrontent.
Juca, un emcee interviewé dans l’article de Blender cité précédemment, raconte être témoin d’un horrible accident lors d’un match de foot tenu sur un terrain de favela. Un sniper de la police a abattu par erreur un jeune gardien de but, pris pour un membre de gang. C’est avec des événements comme cela qu’il explique la violence dans les paroles, et le désir de revanche chez certains artistes et consommateurs de baile funk.
“Si un trafiquant passe devant chez moi, je sais qu’il ne fera pas attention à moi. Mais si un policier vient comment être sûr qu’il ne va pas me tirer dessus” ? – Juca
De toute façon, résumer la baile funk à ses morceaux les plus brutaux serait faire l’impasse sur une majorité du catalogue du genre, qui traverse plusieurs phases sur ses 4 décennies d’existence. On peut écouter du funk capitaliste avec des MCs qui rêvent de voitures, de chaussures à bulles et de lunettes Oakley… Des morceaux politiques, des morceaux qui ne se prennent pas la tête, des hymnes de clubs de foot… En clair, la baile funk est aujourd’hui une culture à part entière loin d’être un objet poli, uni et indivisible.
C’est exactement cette pétition, disponible sur Change.org, souhaite faire reconnaître au congrès brésilien. Ce qui devrait peser dans la balance, c’est l’augmentation d’audience qu’a connu le baile funk au Brésil, mais aussi dans le monde. Vous avez d’ailleurs sûrement entendu le hit de MC Fioti, “Bum Bum Tam Tam”, qui a fait plusieurs fois le tour de la planète, avec un sample de Bach impossible à sortir de la tête.
Le single de MC Fioti était porté par le mastodonte Canal Kondzilla (qui s’est fait relais de la fameuse pétition), plus gros ambassadeur du genre avec 63 millions d’abonnées sur YouTube – c’est la 3ᵉ plus grosse chaîne de musique de la plateforme.
Des campagnes de dédiabolisation du mouvement sont régulièrement organisées par des acteurs du genre, par exemple, le média Perifa no Toque a lancé il y a quelques jours une ligne de vêtements, “Respeta no Funk”. De plus, le 7 juillet est déjà la journée du funk à Sao Paulo, (pour commémorer le décès de l’un de ses défenseurs MC Daleste) alors il serait grand temps que le mouvement deviennent officiellement national. Oui, il serait grand temps que l’on respecte le funk.
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