C’est une sandale qui fut autrefois une sandale de randonneur, de ringard même, de mec avec des pieds pas très nets… Et c’est devenu un apparat des cool kids parisiens : la Birkenstock. Alors, bien qu’on puisse en faire tout un plat, ça reste quand même juste une chaussure. À moins que ? Une affaire judiciaire pose la question de la limite entre produit commercial et œuvre d’art. To birck or not to birck…
Hier, en Allemagne, la Cour fédérale de justice de Karlsruhe examinait une affaire bien particulière : une plainte portée par Birkenstock contre les marques qui, selon le célèbre fabricant de sandales, copient un peu trop la « Birk« , comme on l’appelle dans le milieu.
Une sandale, ou une œuvre d’art ?
Vous avez peut-être en tête le modèle phare de la multinationale allemande : la semelle en liège, les trois sangles, son côté cool et détaché… Birkenstock est longtemps resté une entreprise familiale, avant d’être rachetée en 2021 par le groupe de luxe français LVMH, propriété du milliardaire Bernard Arnaud. Mais une question taraude Birkenstock. Courrier international raconte même que le marque “ne se satisfait pas des bons résultats de l’année passée« , ni des prévisions “également bonnes pour 2025”… Non, le « Birk » est obsédé par une question de la plus haute importance : “La sandale à grosse bride et sa semelle en liège sont-elles de l’art ?”
Le droit d’auteur comme stratégie légale
C’est en réalité une interrogation qui cache surtout l’envie d’en découdre, puisqu’elle rejoint la plainte par Birkenstock qui invoque directement le droit d’auteur… Après la tentative ratée par la marque d’accuser les « copieurs » de concurrence déloyale. La sandale de cool kids serait-elle donc une œuvre d’art à part entière ? On l’imaginait plus orthopédique qu’artistique, mais Birkenstock a carrément embauchée une experte pour cette affaire, qui avait pour objectif de s’évertuer à décrire cette œuvre. Ainsi, la sandale serait une “‘chaussure brutaliste’ au design sculptural qui renonce aux ornementations non fonctionnelles”…
« En gros, l’art n’a pas besoin d’être beau.”
Le Süddeutsche Zeitung, grand quotidien du sud de l’Allemagne, finira par résumer avec ironie la description : « En gros, l’art n’a pas besoin d’être beau.” Et c’est vrai, à en croire la Fontaine de Marcel Duchamp, cet urinoir posé sur un piédestal, qui aurait été volé à l’artiste allemande Elsa von Freytag-Loringhoven… Et qui est devenue une œuvre majeure de l’art contemporain. D’ailleurs, il n’est même pas besoin d’aller chercher un exemple historique : il n’y a qu’à visiter certaines expositions (que nous ne citerons pas) où résident de (très) nombreuses œuvres pas forcément très esthétiques… Parfois, l’art, c’est moche, ou même, c’est bof.
La Birkenstock, c’est un peu la Porsche des sandales
Au final, avec sa nouvelle plainte, Birkenstock a visé juste. Et ce n’est pas la première marque à invoquer le droit d’auteur en Europe, puisque cette manœuvre a déjà marché ailleurs. Cette même plainte a pu protéger par le passé « une semelle aux Pays-Bas, des Moon Boots en Italie et des sandales en France« . Sandales fabriquées par Dior, et qui ont fait jurisprudence en 2013… Pour cela, il faut juste que le modèle soit reconnu comme une création intellectuelle originale. Dans cette affaire, l’avocat de Birkenstock a lancé ce qui pourrait être l’une des meilleures citations de la presse lorsqu’on se visualise vraiment très clairement la sandale aux allures orthopédiques : “Nous considérons la sandale Birkenstock comme la Porsche des sandales.” Et bam.