Prise de conscience et Gunmen.
L’histoire de la Jamaïque moderne ne cesse de hanter les esprits, car inventer à la fois une religion, une musique et une attitude, avec en prime tous les accessoires d’un univers, des dreadlocks aux sound systems, tout cela reste exceptionnel et unique.
Vers 1960, à la suite des indépendances africaines, mais aussi après un long travail de prise de conscience des communautés africaines en Amérique et aux Caraïbes, se sont développées toutes sortes de cultures de résistance. Car avant les Black Panther américains, il y avait eu les guerres d’indépendance en Afrique, mais aussi Cuba et bien sûr la Jamaïque.
Les musiques latines se répandaient depuis des décennies (bolero, mambo, merengue, biguine, rumba, chacha…) un peu partout dans le monde, mais c’est la dernière née de ces expressions qui allait emporter le monde, et devenir un drapeau de la jeunesse contestataire.
Ce fut le ska, puis le reggae avec ses saints et ses héros, ses grands fondateurs spirituels, apôtres de la dignité noire (Marcus Garvey, Léonard Howell, Mortimer Planno…) qui devint réellement le grand socle de toute une partie de la musique pop, rock, électro, dub ou dancehall.
Tous de Trench Town
Le plus fou est que les grands interprètes du reggae, rock steady et soul jamaïcains venaient tous du même quartier de Kingston, refuge de l’exode rural des campagnes, mais aussi des rastafaris chassés de leurs campements des collines. Ainsi Trench Town et ses rues adjacentes comme Orange street renommée Beat street, vit grandir la crème des musiciens : Clement Dodd, Prince Buster, Lee Perry, Joe Gibbs, Augustus Pablo…Une seule petite ville, puis un quartier pour toute une colonie musicale !
Toute cette histoire est racontée dans un livret illustré de 20 pages avec le dernier CD de Soul Jazz, qui poursuit l’histoire complète du Studio One, au centre de cette galaxie, cette fois le Reggae Roots de 1970.
Alors que la Jamaïque, fraichement indépendante (1964), se débat avec des partis opposés et des clans devenus des gangs, justement dans ces quartiers magiques, mais misérables, quelques interprètes d’un reggae cool continuent de balancer les mélodies les plus suaves. Car les Alton Ellis, Ken Boothe, Horace Andy, Sugar Minott… et bien d’autres de ces voix de velours, voilées et vibrantes, sont devenues une partie intégrante de la magie de l’île, comme une marque de fabrique supplémentaire, en plus du rythme, des orgues et des basses.
Cette période de guerre civile fut aussi le moment ou le Reggae Roots a commencé à se répandre dans le monde, comme la nouvelle cool attitude, sur fond de spliffs et de rastafarisme mystérieux et exotique.
Black Man’s Pride. Studio One. Soul Jazz Records. 18 titres : Alton Ellis, Horace Andy, Dennis Brown, The Gladiators, The Classics, The Nightingales, Glen Miller, Sugar Minott, Lloyd Jones, Dudley Sibley, The Heptones, Winston Jarett, Cedric Im Brooks, Larry marshall, Freddie Mc Gregor, John Holt, Johnny Osbourne.
Visuel : (c) capture d’écran Youtube