La chronique d’un coming out impossible fait sortir du placard le cinéma social anglais.
On ne rappellera jamais assez à quel point le cinéma anglais sait être un formidable porte-voix du social, métamorphoser des chroniques de vie ordinaire en piqûre de rappel politique. Ainsi de Blue Jean, le premier long métrage de Georgia Oakley, ramenant à l’ère Thatcher. En 1988, Miss Maggie s’apprête à faire voter la section 28, une loi interdisant la promotion publique de l’homosexualité. De quoi renforcer la volonté de Jean, une prof de sport, de dissimuler qu’elle est lesbienne. Manque de bol, une de ses élèves en pleine découverte de sa sexualité, va la croiser dans un bar gay, entrainant un cas de conscience chez l’enseignante : continuer à tout mettre sous le tapis ou devenir un modèle pour l’adolescente en faisant son coming out ? Blue Jean va à rebours de la plupart des films LGBTQ en se focalisant sur ce choix à faire qui va tarauder Jean, jusqu’à la faire paniquer à l’idée de sortir de la routine d’une vie sociale mise littéralement au placard, de ne plus devoir faire profil bas pour enfin protester contre cette loi.
Mine de rien, Blue Jean bouscule les poncifs du cinéma queer en doublant un récit d’apprentissage, celui d’une ado, par celui d’une adulte découvrant la difficulté de revendiquer son identité. Oakley renouant, elle avec le cinéma de la nouvelle vague anglaise, le fameux kitchen-sink movie, ce cinéma d’intérieur domestique aussi néo-réaliste que militant. Avec le bonus troublant de la distance envers une Angleterre d’il y a trente-cinq ans, abolie par la modernité du jeu de l’actrice Rosy McEwen, comme pour rappeler que si la section 28 n’est plus d’actualité depuis longtemps, devoir s’affirmer pour défendre son statut ou sa place dans un environnement social hostile le reste plus que jamais.
Oakley en faisant quasiment un motif de thriller psychologique, quand Jean oscille de plus en plus entre paranoïa et dépression nerveuse, Blue jean la confortant dans un processus de réappropriation de soi, y compris quand celui-ci amène le risque de perdre son boulot ou sa réputation, en devenant peu à peu, un parfait manuel d’émancipation du qu’en dira-t-on, mais plus encore de rébellion face à la pression sociale. Et faire d’une brillante étude de caractère, un film qui assume pleinement le sien tout en alarmant sur les dangers de l’inaction.