« Un mois en Thaïlande » de Paul Negoescu : ils nous ressemblent, mais ils filment mieux que nous
Oui, les Roumains sont des latins, mais ils sont plus fatalistes que ceux de l’Europe de l’Ouest. Ils sentent le tournant de siècle, la crise d’identité, mais ils vivent avec. Ils en ont vu d’autres.
Le film se passe en un jour, le jour de l’an. Les familles se voient, on fait un peu le bilan. Le voyage en Thaïlande, c’est le nouveau voyage de noce des jeunes couples trentenaires. Venise c’est cher et old style ; Bangkok, c’est chaud et exotique, la route est passée par là.
Au cours des parties successives du nouvel an, le personnage, anti-héros hésitant, fait sa crise. Il devrait épouser sa copine, s’installer, faire ce voyage. Elle serre les boulons. Lui, recule.
Filmage pro, fluide, cinéma-vérité, montage invisible : tout passe en souplesse et naturel. On zone avec la bande. Les soirées sont bien vues : d’abord un dîner de jeunes bourges, puis une soirée légèrement folklorique et nationaliste déjantée, des lieux plus underground, un peu de dope, et on se finit dans des sortes de clubs techno-dance.
Contrairement à ce qui se fait en France, c’est réussi, naturel, branché sans effort, pas une bande de figurants tocards, sur une musique approximative et des plans nuls. Là, on y est : pas de caricatures, de truc appuyés, au contraire, ça parle de trucs bizarres ou nazes. On y croit.
Des Nuits de la Pleine Lune de Rohmer, caricature new-wave, au Monde sans pitié d’Eric Rochant post-punk, on arrive à maturité, dans la simplicité de Paul Negoescu.
Le personnage masculin retrouve l’intuition féminine et doit convaincre les filles de leur trop grande logique matérialiste. Le débat est vieux, mais les rôles se sont doucement inversés.
Relisez Cioran, le Roumain nihiliste, et laissez-vous porter par ce petit voyage au bout de la nuit roumaine minimaliste.
(PS : on ne peut raconter une bribe du scénario sans déflorer le film)
Un mois en Thailande de Paul Negoescu. Sortie le 26 JUIN.