Du 15 au 18 septembre, à Paris, le Palais de Tokyo organise le festival Alliance des Corps, qui met notre organisme et ses mouvements à l’honneur. Au programme : musique, performances et ateliers sur des disciplines comme le voguing, le cheerleading ou le beatboxing. L’occasion de faire un gros plan sur cette pratique qui transforme les gens en boite à rythme humaine.
Comme la plupart des fans de hip-hop, on connaît le beatbox par le biais de ses protagonistes les plus célèbres, qui vont de Rahzel et son “All I Know” à plus récemment les Toulousains de Berywam. Mais ces connaissances de surface ne font qu’effleurer la richesse de cette pratique qui a fait plusieurs fois le tour de la planète, passant des studios les plus prestigieux aux battles les plus confidentielles.
C’est pour cette raison que Xavier Oyharçabal alias Scratchy, membre des Paname Beatbox Hustlers souhaite commencer sa “conférence-atelier” par un historique du “human beatboxing” (terme préféré à beatboxing seul qui ne prend pas en compte le fait qu’un humain est impliqué dans la technique).
Avant de s’entraîner à transformer sa bouche en machine rythmique, il faut savoir d’où vient la pratique, quelles sont ses applications et qui sont les pionniers, afin de pouvoir transmettre ce savoir aux prochaines générations de beatboxeuses et beatboxeurs.
L’essor de la boite à rythme humaine
Dans les années 90, Rahzel va être l’un des ambassadeurs les plus importants du human beatboxing, exportant la discipline aux quatre coins du globe, en tournée avec les Roots, le groupe de Questlove.
Ce travail a posé les bases, mais comme pour beaucoup d’autres genres et de pratiques musicales, c’est internet qui va jouer un rôle crucial dans le développement du human beatboxing, comme nous l’explique Scratchy : “en 2005, c’est la création de YouTube, et à partir de là, le beatbox va avoir une évolution exponentielle en termes de technique, en termes d’exploration culturelle”. Le support vidéo permet donc de répertorier les techniques, de les nommer et de les diffuser bien plus efficacement que la transmission orale en vigueur jusqu’à lors.
Cela entraine ainsi une expansion du beatbox vers des contrées qui n’ont a priori aucun lien direct avec les milieux qui l’ont porté dans les années 80 et 90 (les scènes hip-hop occidentales en grande partie). Scratchy toujours : “c’est maintenant un art que l’on peut retrouver de San Francisco jusqu’en Nouvelle-Zélande. Il y a des championnats nationaux qui sont organisés chaque année au Japon, en Corée du Sud, à Taïwan, en Indonésie… L’Indonésie, c’est la communauté la plus large que l’on puisse trouver des pratiquants de beatbox”
Le human beatboxing évolue en parallèle avec les évolutions de la production musicale et les deux pratiques sont intimement liées “Le Beatbox (…) peut permettre de créer des hits interplanétaires universels, comme a pu le faire Michael Jackson, puisque Michael Jackson est un beatboxer qui a composé la majorité de ses titres à partir du beatbox. Timbaland est un autre super producteur qui utilise le beatbox comme sa base, sa matière première pour ensuite la traiter. Pharrell Williams en est un autre.”
Concrètement, avant même de mettre une boite à rythme en route, certains producteurs inventent l’ossature d’un morceau avec le human beatboxing, puis la réplique sur machine. Timbaland en fait une démonstration dans sa masterclass.
Outil de soin, Outil Patrimonial
Au-delà des possibilités que le human beatboxing ouvre pour le secteur de la musique, la pratique trouve aussi un intérêt naissant dans le monde de la santé. Le documentaire Beatbox Therapie, produit par Philippine Mignot & Svent, aborde la discipline comme une voie thérapeutique, qui pourrait accompagner la rééducation de personnes atteintes de troubles de l’articulation (comme le zozotement).
L’exercice de production rythmique à l’aide de la bouche peut également servir d’outil de sauvegarde patrimonial. Scratchy prend comme exemple le Bouladjel, une technique largement antérieure au hip-hop, que l’on pourrait rapprocher du human beatboxing, et qui trouve son origine dans les Antilles.
Cette technique permet de répliquer des rythmiques que l’on produirait normalement avec des percussions, uniquement à l’aide de son corps (plus particulièrement, la bouche et les cordes vocales). Cela permet de garantir la survie d’un patrimoine rythmique ou percussif, même si les instruments que l’on utilise pour les produire viendrait à disparaître (confisqué, rendu illégal, détruits…).
Par exemple, ce morceau du musicien antillais Michel Legrand existe en version classique, et en version bouladjel, qui remplace donc les percussions par des sons créés uniquement avec le corps humain.
Pour plus d’informations sur la pratique fascinante qu’est le human beatboxing, rendez-vous au workshop des Paname Beatbox Hustlers le 17 septembre au Palais de Tokyo, à Paris.
Un texte issu de C’est Bola vie, la chronique hebdomadaire (lundi au vendredi, 8h45) de David Bola dans Un Nova jour se lève.