En Californie, cet écrivain américain, mormon excommunié en raison de la puissante ambiguïté de sa littérature, mise sur « l’espoir » né de la contestation anti-Trump pour réformer la société en profondeur.
« J’écris de plus en plus sur le changement climatique, l’effondrement et les désastres causés par l’homme. Dans mon roman Immobility (2012), déjà, des personnages essayaient de survivre dans un monde en ruines. Et je vais continuer, en passant de paysages typiquement post-apocalyptiques… à la séquence que nous sommes en train de vivre. Mon prochain recueil de nouvelles, The Glassy, Burning Floor of Hell, prévu pour août 2021, ne parlera que de ça. Nous détruisons la planète en ne faisant quasiment rien pour empêcher cette catastrophe. Cela me hante. Pour le dire vite, le monde et les autres espèces s’en sortiraient mieux si les humains n’existaient pas. Mais nous ne pouvons pas souhaiter notre propre disparition. Nous sommes piégés. »
Né dans une famille mormone depuis six générations, Brian Evenson enseigna l’écriture à l’université religieuse de Brigham Young, Utah, jusqu’à la parution, en 1994, de son premier recueil de nouvelles, La langue d’Altmann. (Un étudiant envoya une lettre anonyme laquelle il prétendait que l’écrivain était « en faveur de l’existentialisme, de la violence et du cannibalisme » et que son travail faisait « l’apologie du mal ». Pressions, menaces d’excommunication : Evenson fut contraint de rompre avec l’Église, la faculté et sa famille.) Miracle, les critiques furent vite élogieuses – parmi lesquelles, en France, le philosophe Gilles Deleuze – au sujet de sa littérature remplie de faux prophètes, de sectaires pédophiles et d’esprits manipulés, priant parfois les démons de l’épouvante pure.
Professeur de littérature à l’Institut Californien des Arts de Valencia, traducteur vers l’anglais d’œuvres de Flaubert, Volodine, Claro ou Chevillard, Brian Evenson, 54 ans, mise sur « l’espoir » né de la contestation anti-Trump pour réformer en profondeur la société. « Ça commence tout juste. La manière dont la police a été défiée sur le terrain de sa propre brutalité, comment les gens ont réagi face aux meurtres des personnes noires et racisées… la façon dont ils ou elles se lient pour les choses changent… Nous pouvons rêver d’une société plus inclusive. Sauf peut-être pour les riches ! Même si ça serait bien qu’ils abandonnent une petite part de leurs millions pour améliorer un peu le sort de quelques-uns.
Si Biden est élu, ce sera un soulagement, mais il ne faudra pas oublier où nous en étions juste avant l’élection, dans ce combat pour d’authentiques changements en termes d’assurance santé ou de reconnaissance basique des droits humains sur lesquels nous aurions dû veiller depuis longtemps. J’espère que toutes ces choses continueront. »
Réalisation : Juste Bruyat.
Pour écouter la précédente utopie de Brian Evenson, c’est là :
Image : Joe Biden & Kamala Harris, caricaturés par Jim Carrey et Maya Rudolph dans le Saturday Night Live (2020).