Fuzz, Farfisa et Distorsion.
Si le Rock est fait pour pousser la réalité un peu plus loin, pour exprimer l’inexprimable, pour pousser un cri de révolte devant notre condition d’humain, alors il est naturel d’user d’électricité en surcharge, d’amplis saturés, de sons distordus…
Ce style de performance musicale, c’est le ROCK GARAGE, fabriqué à l’arrache dans des conditions limites, sans respect pour la syntaxe, les tympans ou les règles habituelles d’enregistrement. Fuzz (saturation) est la règle.
Jailli naturellement des chambres, greniers et caves des parents d’adolescents têtus, repoussé vers les garages afin d’éviter trop de contamination, ce style s’est développé comme les mauvaises herbes…sans fin.
Le Rock Garage est la BASE de toute expression Rock n Roll. Ensuite, les starlettes du genre peuvent toujours rajouter des ingénieurs du son, des filtres, des cabines, des pistes ou des directeurs artistiques, le mal est fait.
Le livre de Christophe Brault nous donne la naissance en 1961 aux USA, nord-ouest, État de Washington, avec les premiers amateurs, fous de guitare comme Dick Dale (le tube de ce libano polonais est oriental et Rock !), The Chantays (repris par Johnny Thunders des New York Dolls 15 ans plus tard), ou encore l’imparable Louie Louie aux nombreux interprètes , et je dois citer le « 96 tears » de Question Mark (vers 1965) pour l’orgue Farfisa.
Mais à part ces planètes hors du temps, il y eut, en dehors des Américains uniques desperados, beaucoup d’Anglais, pas mal de Surfers, des semi-pros, des déchainés, tous se souvenant des merveilles de Bo Diddley, Chuck Berry ou Little Richard.
Car des Shadows aux Beatles, des Flamin Groovies au Velvet, tous on flirté avec le GARAGE, comme la référence de base, l’ADN du Rock, comme on dit…
Je ne peux m’empêcher de citer quelques autres modèles du genre comme The Seeds, The Sonics, mais aussi MC5, Stooges, Pretty Things, The Kinks et The Who, Small Faces ou Cramps, bref tous ceux qui inventent des choses sans respect ni références, oubliés ou presque Rockabilly, Blues, Folk et Soul et qui créent par instinct des sons tortueux et inventifs, souvent sexys et violents, avec des envolées angéliques inattendues.
En tout cas cette sortie aux éditions Le Mot et le Reste ne peut que nous rendre modestes : 250 pages de titres, groupes, morceaux et explications, dont même les amateurs ne connaissent pas le quart des acteurs et intervenants.
Car le Rock Garage a plusieurs vie : début sixties, puis tout au long de la décennie, puis fin des années 70, puis pendant la New Wave… et refrappe encore dans les années 90 et 2000. Un éternel retour, comme tous les grands GENRES.
À la rigueur certains ont entendu parler des Count Five, à cause de « Psychotic Reaction » (1966), des Troggs grâce à « Wild Thing », ou de 13th Floor Elevator, à cause du psychédélisme…
Mais si je vous dis : The Sorrows, The Boots, The Eyes, The Creation, The Wheels, The Monks, rien que pour les années 60, ou Oblivions, Dirt Bombs, Love me Nots, Black Lips, pour les années 2000, vous resterez, comme moi, ébahi devant les relais permanents de ce style : pas moins de 100 groupes sont décrits avec labels, discographie et signes de reconnaissance !
Merci à Christophe Brault pour cette leçon de choses « Garage » .
ROCK GARAGE. Fuzz, Farfisa et Distorsions de Christophe Brault. Éditions Le Mot et Le Reste . 250 pages. 20 euros. avec images de toutes les pochettes (en N&B) + listes et discographies.