Chaque jour, Nova met un coup de projecteur sur une nouveauté. Aujourd’hui : « Call Me If You Get Lost » de Tyler, The Creator.
Qui aurait cru, il y a dix ans, que les garnements du crew Odd Future finiraient par devenir certains des artistes les plus influents de la dernière décennie ? Frank Ocean s’est refermé sur lui-même et a sorti trois pièces maîtresses de la pop et du r’n’b contemporain (Channel Orange, Blonde et Endless). Earl Sweatshirt s’est créé une place à la table des grands poètes lyricistes du rap américain indépendant des dernières années. Leur ex-leader, Tyler Okonma, s’est quant à lui affirmé d’album en album comme le rappeur le plus libre de son époque.
« I’m a fucking walking paradox » confiait-il en 2011 sur son premier morceau viral, Yonkers. D’un rap sombre et grinçant, Tyler passait à la fin de la décennie à Igor, un album mêlant pop et neo-soul qui allait lui valoir un Grammy. Soit la dernière mutation, sensible et ambiguë, d’un artiste aux personnages multiples.
Avec son nouvel album, Call Me If You Get Lost, Tyler est encore une fois là où ne l’attend pas. Et se crée un nouvel alias: Tyler Baudelaire, gentleman globe-trotter à la chapka chic. Une sophistication seyante pour ce disque rhapsodique, qui parcourt les genres comme son héros les quatre coins du globe. Avec, parmi les échos R&B 90s et les trips jazz-funk, un retour remarqué au rap — et même à l’esthétique mixtape tout entière. Et en fil rouge de ce disque où on peut, effectivement, se perdre, le légendaire DJ Drama, artisan des mixtapes cultes Gangsta Grillz.
Comme une habitude depuis l’album Wolf, Tyler fait de la dixième piste de l’album un long morceau en deux parties. C’est là le morceau de bravoure de l’œuvre, composé de « Sweet », un slow jam R&B en duo avec le chanteur Brent Faiyaz, et de « I Thought You Wanted To Dance », où pour la première fois semble-t-il, Tyler se met… au reggae. Avec un sample superbe : le lovers rock « Baby My Love » de Fil Callender, batteur maison du légendaire Studio 1 dans les années 60-70. Une chanson souriante sur un quiproquo amoureux, qui offre une pause de légèreté au milieu d’un album très dense. Car l’assurance et la créativité instinctive de Tyler, The Creator finissent toujours par nous ramener à l’essence même de la musique populaire : le divertissement.