Lauréat 2020 du Prix de la Page 111, cet écrivain de Châlons-en-Champagne nous cuisine un paisible avenir véganisé, où l’ensemble de la société saura que l’énergie nécessaire à toute activité physique « ne viendra plus du même truc qu’à la préhistoire, c’est-à-dire du corps des animaux ».
« Isis remarqua le couple de faucons qui avait nidifié sur le pylône électrique surplombant sa porte. Elle s’inquiéta pour la première fois de devoir déménager. Stations essence, banques, supermarchés, fermeraient tous bientôt ; il ne suffirait plus de rester cloîtrée et de se concentrer sur ses réserves. La solitude surtout rendait plus sensible à la peur, et la peur, depuis quelques nuits, empêchait de dormir. »
Paru en septembre aux éditions Alma, récompensé sur Nova du très convoité Prix de la Page 111, Les Métamorphoses, le second roman de Camille Brunel, se déroule dans un avenir proche où une « pandémie de métamorphoses » transforme soudain les humains en bestioles, au hasard. En hyène, en écrevisse, en brebis, en taon. La société toute entière s’en trouve assez naturellement bouleversée. « Isis écrivit à Edith, qui ne vivait pas loin, lui proposa de la retrouver. Elle était végétarienne et faisait pousser de quoi manger chez elle depuis des années (…) Isis poussa la porte de derrière, qui donnait sur le jardin. Baigné dans une lumière instagrammable en diable, au milieu du potager, un ours brun de dimensions raisonnables fouillait de son museau rosâtre la carcasse d’un manchot empereur, et releva la tête en entendant Isis se retenir de crier. »
Mais si copains et copines deviennent des ours bruns, des lapins béliers, des singes capucins ou des papillons blancs, faut-il continuer à manger les animaux ? Et, sans attendre cette épidémie science-fictionnelle, verra-t-on un jour un monde où supermarchés et restaurants ne serviront plus de brochettes ou de saucisses cuisinées à partir d’un être mort ? C’est la quatrième hypothèse imaginée par cet écrivain de Châlons-en-Champagne, honorant avec panache sa carte blanche d’une durée de 11 mois et 1 semaine sur notre antenne.
Admirateur de Lautréamont, auteur d’un Eloge de la baleine à paraître aux éditions Rivages, Camille Brunel – qui fête aujourd’hui ses 35 ans, joyeux anniversaire ! – nous concocte un paisible futur véganisé, où nous aurons admis que l’énergie nécessaire à toute activité physique « ne viendra plus du même truc qu’à la préhistoire, c’est-à-dire du corps des animaux ». Le tout, explique-t-il, en passant par l’histoire de notre rapport… aux chevaux. « Ça paraît incongru et pourtant, il y a cent ans, ils servaient toujours de moyen de transport. Partout. On les faisait naître, on les vendait, on s’en occupait. On les exploitait. Puis ça a disparu. » Hue !
Réalisation : Mathieu Boudon.
Pour écouter la précédente utopie de Camille Brunel, c’est là : https://www.nova.fr/news/camille-brunel-demain-on-arretera-de-flinguer-les-animaux-127816-09-02-2021/
Image : Okja, de Bong Joon-ho (2017).