Lauréat 2020 du Prix de la Page 111, cet écrivain de Châlons-en-Champagne nous branche sur un plan de reforestation de l’Europe, pour planter des cèdres ou des saules à la place des champs de monocultures qui servent, majoritairement, à nourrir le bétail.
« Il nous faudra des millénaires pour démanteler les anciens dieux, et le démantèlement virera au culte. Mais pour la Terre, ça s’achèvera comme ça. Les cerfs croisant à nouveau les belettes au milieu des forêts ; des renards leur filant entre les pattes à l’affût des poussins protégés par leur mère, aux plumes rousses – sans personne pour les broyer, les abattre ni les enfumer. » Paru en septembre aux éditions Alma, récompensé sur Nova du très convoité Prix de la Page 111, Les Métamorphoses, le second roman de Camille Brunel, se déroule dans un avenir proche où une pandémie transforme soudain les humains en bestioles, au hasard. En hyène, en écrevisse, en brebis, en taon. La société toute entière s’en trouve assez naturellement bouleversée. « Et dans l’Amazonie, dont on n’arrivera pas à croire qu’on ait pu l’incendier sciemment, il n’y aura plus personne pour épier les lamantins croisant les dauphins croisant les piranhas(…) J’ai rien compris, mais je t’aime. »
Pour sa septième utopie à bord de L’Arche de Nova, ce drôle d’oiseau de Châlons-en-Champagne (Marne), qui publiera bientôt un Éloge de la baleine aux éditions Rivages, nous branche sur un plan de reforestation de l’Europe, pour planter des cèdres ou des saules à la place des champs de monocultures qui servent, majoritairement, à nourrir le bétail. « Il y aura plus de forêts en France qu’on en a vues depuis la Préhistoire. Ce qu’on prenait pour des édens arboricoles – la Colombie-Britannique, Yellowstone, ce genre de spots de rêve – ce sera chez nous. La Chine regardera l’Europe comme Manhattan regarde le Yukon. L’Europe sera le far-west ré-ensauvagé de l’Asie, et non cette espèce de plaque de béton pullulant de promoteurs immobiliers et de pilotes de bulldozers. Elle ne sera plus tartinée de monocultures comme aujourd’hui, qui font parfois ressembler la Champagne au Sahara… la poésie des champs de blé à perte de vue, c’est mignon deux minutes, mais quand on pense aux forêts dont ils ont pris la place, on réalise qu’on a raté de peu l’époque où les paysages français étaient autrement plus touffus que ces dunes de céréales qui lissent l’horizon. Mais un jour, on pourra arrêter de se dire qu’on est arrivés après la désertification… puisqu’on sera nés après la reforestation.»
Autre idée de l’écrivain, qu’on aimerait bien aussi voir prendre racine, pour calmer tout le monde : « Quant aux éoliennes qui fonthurler les réacs, on ne les voit même plus. Cachées par la canopée. »
Réalisation : Mathieu Boudon.
Pour écouter la précédente utopie de Camille Brunel, c’est là : https://www.nova.fr/news/camille-brunel-demain-la-variete-de-lespece-humaine-explosera-143223-25-05-2021/
Image : Le domaine des dieux, de René Goscinny & Albert Uderzo (1971).