« Au train où vont les choses, l’optimisme va devenir une discipline olympique. » Le compte Twitter parodique d’Étienne Dorsay, le personnage campé par Jean Rochefort dans les films d’Yves Robert, indique la difficulté qu’il peut y avoir à tenter, crânement, de « cultiver son jardin », fameux épilogue de Candide, conte écrit en 1759 par François-Marie Arouet alias Voltaire (et non pas le Docteur Ralph, qui n’existait pas plus que le beurre en broche).
Vous l’avez sans doute lu à l’école, sous une férule pas toujours aimable, faite de fiches, de contrôles et de notes sur vingt. Qu’importe. Le temps a passé, l’oeuvre demeure. On y gagne à s’y replonger, dans ce Candide qui traverse les longitudes (jusqu’à l’Eldorado !), ce livre d’apprentissage, alerte, cahoteux, tragique, où l’encre est aussi présente dans les veines des lecteur.rices que sur le papier, coupée d’une ironie piquante, érodant à grandes vagues hardies, variées, infatigables, les théories forcenées (« métaphysico-théologo-cosmolo-nigologiques », dixit Voltaire) de Gottfried Leibniz, dépeint sous les traits du grotesque Pangloss pour qui à quelque chose malheur est toujours bon, dans ce monde étant nécessairement le meilleur d’entre tous, puisque sous l’égide d’un Dieu omniscient ayant pris soin d’en sélectionner la meilleure version.
S’emparant de ce classique des lettres hexagonales, l’acteur et metteur en scène Julien Duval, de la compagnie du Syndicat d’Initiative, en réaffirme, pendant deux tours complets de cadran, l’ardente actualité : « Candide est un révélateur de l’absurdité humaine, postule Duval. C’est un personnage magnifique, ultra-sensible, révolté parfois, un jeune homme en lutte avec la réalité de la violence du monde, et qui, face à la désillusion, ne voudra jamais céder au désespoir ni au cynisme. C’est ce qui le rend beau, et ce que je veux défendre. Notre société est en proie à une multitude de crises, environnementales, économiques, sociétales ; et si la gravité de la situation nous oblige à la lucidité, elle nous interdit, me semble-t-il, le pessimisme. »
Un optimisme résolu, défendant pied à pied une tolérance salutaire, une fraternité éclairée, loin des boniments à-quoi-bonistes, qui traverse toute cette ébouriffante pièce chorale, où les sept comédien.nes fouettent d’un verbe actuel les dialogues et les monologues voltairiens. Un travail d’adaptation contemporaine entrepris lors des résidences des auteurs au TNBA même, qui donne ce spectacle vaillant, joyeux et juste, pour lequel, de surcroît, la maison régale : Nova Bordeaux vous offre des places. Elles ne se dégotent pas sous les racines des chênes, mais bien PAR ICI, EN SUIVANT CE LIEN, avec le mot de passe Nova Aime.
Candide ou l’Optimisme, de Julien Duval et Carlos Martins, du mardi 9 au samedi 13 novembre @ TNBA (Bordeaux).