On ne le rappellera jamais assez, le bon cinéma d’épouvante est celui qui n’a pas peur d’intégrer un rapport au réel, pour le commenter.
C’était le cas en 1992 de Candyman, inattendue apparition d’un croque-mitaine qui surgissait pour éventrer à coup de crochet quiconque avait eu l’imprudence de prononcer cinq fois son nom. C’est plus encore le cas d’un film entre le remake et la suite qui débarque aujourd’hui. Les deux films conservent le même cadre, celui d’une cité HLM de Chicago, historique ghetto où a été parquée la classe ouvrière noire comme l’idée d’une créature issue de l’esclavage, revenue se venger éternellement. Les vingt ans qui séparent le premier Candyman de celui-ci ont fait le reste, laissant le temps d’infuser la dégradation des rapports entre blancs et noirs, comme les ravages de la gentrification dans l’Amérique contemporaine.
D’autant plus quand c’est Jordan Peele, instigateur depuis Get Out, d’un cinéma d’épouvante prenant à bras le corps la question de la place des afro-américains dans la société qui le produit. Il assume pleinement la portée politique de ce nouveau Candyman, que ce soit en en ayant confié la réalisation à une femme noire, Nia Da Costa, ou en le truffant d’allusions, comme la présence dans la bande-son d’un morceau de Sammy Davis Jr, partisan de la cause noire qui avait fini par devenir supporter ardent de Nixon, justement titré… The Candy Man. Pas tant pour boucler la boucle que pour indiquer que l’Amérique se trimballe depuis trop longtemps ses rapports interraciaux. Cette réactualisation du film de 1992 troque sa part gore, par une mise en scène aussi habile qu’inventive, vers quelque chose de plus anxiogène, la prophétie d’une révolte coléreuse qui finira par engendrer des monstres au nom d’une bonne cause, qui ne peut plus se contenter de promesses. En faisant de son croquemitaine la mémoire d’une oppression contre les noirs qui ne veut pas être oubliée, ni être récupérée par une woke culture de hipsters blancs, ce Candyman là rend coup pour coup.
En salles depuis le 29 septembre