Depuis la Croisette, notre journaliste Alex Masson.
Laisser, même le temps d’un soir, les marches aux femmes était une splendide idée. Dommage que le choix du film pour l’accompagner lui aie fait se prendre les pieds dans le tapis rouge.
Au cinquième jour, le festival de Cannes continue à rimer avec calme. Pas d’enthousiasme ni de scandale côté films (le palmomètre reste pour le moment bloqué sur Leto, la belle évocation d’un éternelle insurrection de la jeunesse. Même ceux qui pensaient que le vétéran Jia Zhang Ke allait prendre le dessus avec Les éternels ont été pris de court par un effet auto-citationnel, écrasant cette honorable saga d’un couple mafieux sous un aspect de best of du réalisateur chinois). Et toujours cette drôle d’impression d’une édition qui tourne au ralenti.
C’était peut-être le meilleur moment pour mettre un coup d’accélérateur sur l’un des gros dossiers de cette année : la reconnaissance des femmes. Pour enfoncer le clou après de multiples colloques et tables rondes sur le sujet, un beau coup d’éclat prônant une visibilité plus importante avec une montée des marches inédite : quatre-vingt deux personnalités féminines (comme le nombre de films signées par des réalisatrices invitées en compétition depuis la création du festival) ont gravi les marches pour accompagner la présentation en compétition des Filles du soleil, le film d’Eva Husson.
De quoi donner lieu au premier moment fort du festival, à la fois happening glamour et manifeste politique évident. En tête du cortège, Cate Blanchett et Agnès Varda ont pris le micro sur les marches pour réclamer une parité et une égalité salariale. Pas sûr qu’elles aient vraiment été entendues, quand cette pourtant vibrante prise de parole a été transformée sur les réseaux sociaux en galerie de photo énonçant relayant plus les marques des vêtements portés par ces dames pour l’occasion que le message. Ou quand Dominique Besnehard, jamais en retard d’une bourde dans ce débat, a lui aussi pris le micro la veille lors d’une table ronde autour d’un cinéma au féminin, pour balancer, entre autres, que si on n’arrivait pas à la parité dans le cinéma français, c’est parce que c’est le talent qui importe.
Pas sûr non plus que le choix des Filles du Soleil aie été le plus judicieux pour soutenir le débat. Même si clairement porté par de bonnes intentions, la chronique d’un bataillon de femmes kurdes face à Daech est dévastée par une mise en scène ultra démonstrative, un ton pleurnicheur ou une vision folklorique. Pas de quoi déminer le terrain pour une avancée de la cause féminine dans le milieu du cinéma. Plutôt se dire, qu’en l’occurrence, avec un film aussi maladroit et épineux, on est loin d’avoir le cul sorti des ronces.
Visuel : (c) Les Filles du Soleil