Cannes et l’Amérique, ça se complique. Pendant qu’une petite délégation hollywoodienne arrive en sélection officielle sous des torrents de pluie, la lumière est néanmoins venue d’un splendide outsider.
Ça y’est les américains (v)ont enfin débarquer à Cannes ! Blackklansman, le nouveau Spike Lee, projeté ce lundi soir en compétition va ouvrir le bal, suivi demain du barnum Star Wars avec Solo pour une séance spéciale et d’Under the silver lake d’Under, troisième opus du prodige David Robert Mitchell (It follows).
Les films seront peut-être bon. Les relations entre Cannes et le ciné américain le ne le sont plus
Une petite délégation hollywoodienne qui fait forcément écho des relations actuelles entre Cannes et le cinéma de l’Uncle Sam. Les films seront peut-être très bons, les échanges entre le festival et le cinéma américain l’ont clairement moins été. En plus du feuilleton à la « Je t’aime moi non plus » avec Netflix, les échos insistants parlent de films courtisés par Thierry Frémaux, mais qui se seraient vus opposer une fin de non-recevoir.
Entre des mésaventures cuisantes les années précédentes (Sea of trees et The last face les films de Gus Van Sant et Sean Penn écharpés par la presse – tiens, tiens faudrait-il y voir l’origine des nouvelles dispositions des projections presse, contrecarrant les éructions trop rapides sur les réseaux sociaux ?), le coût de venue d’une équipe à Cannes – rappelons que pendant le festival un café en croisette n’est pas loin de celui du salaire mensuel d’un stagiaire de studio US, mais surtout une course aux Oscars, bien plus lucrative au box-office qu’une palme d’or qui démarre plus tard, et chez les concurrents Venise et Toronto, Hollywood préfère donc tremper les pieds dans la lagune italienne qu’en bord de Croisette.
Même pas de Stallone venu faire la promo, d’un Rambo V en préparation. Il y a quelques années, il aurait posé sous une immense affiche sur le ponton d’une plage. Aujourd’hui, le retour du Viet-vet se contente d’une affichette en vitrine à l’entrée d’un palace… Pas plus de Nicolas Cage pour accompagner le furibard et rigolo Mandy, présenté à la Quinzaine des réalisateurs.
Sans oublier le petit soufflet protocolaire d’une projection de Solo mais pas en première mondiale (qui a eu lieu la semaine dernière sur un autre tapis rouge à Los Angeles).
Un festival sur le déclin ?
Le petit contingent américain aura contribué, par le sempiternel effet loupe du festival de Cannes, à amplifier l’incendie allumé par la presse spécialisée yankee (The Hollywood reporter, Variety et autres Cassandres…) pour signer en avance l’épitaphe d’un festival dit sur le déclin.
Sauf que si on regarde à côté du gyrophare de la compétition, il y a bien eu de belles histoires américaines à Cannes cette année. Que ce soit Wildlife, le premier film (touchant même si un peu chromo) de l’acteur Paul Dano montré à la Semaine de la critique, ou l’âpre quoiqu’assez calibré, Leave no trace à un Certain Regard. Rien cependant qui ne soit à la hauteur de l’incroyable révélation U.S de Cannes 2018.
Avec Thunder Road, chronique des dégâts collatéraux du deuil maternel d’un flic de province, Jim Cummings se lâche, et pas seulement en étant homme à tout-faire du film qu’il a écrit, joue, réalise. Quelque part entre étude d’une dérive psychologique à la Bob Rafelson et grand personnage détraqué à la Will Ferrell, Thunder Road renouvelle les sempiternelles tranches d’Americana pour aller vers le portrait d’un homme toujours plus au bord de la crise de nerfs. Thunder Road aurait pu, dû, se retrouver dans la lumière de la sélection officielle, de la Semaine de la critique ou de la Quinzaine des réalisateurs. C’est à l’ACID, section plus discrète, mais de plus en réputée pour leur flair que cette perle a été montrée en début de festival, pour devenir le héros made in USA du festival et l’ensoleiller par sa tendresse et son émotion.
Pour escorter les « autres » américains qui arrivent donc ce lundi, la pluie tombe quasi-non stop depuis hier. Un signe ?
Visuel : (c) Solo : A Star Wars Story de Ron Howard