Palme ou pas, certains films repartiront de Cannes gagnants, même sans prix
Cette fois-ci on y est. Dans 24 heures, le palmarès tombera. Samedi soir, on saura qui a décroché la Palme d’or 2019. Maintenant que tous les films de la compétition ont été vus, c’est l’heure des pronostics (perso, on adorerait que Parasite, la très vénèr étude de rapports de classes sociale ou le brûlant Portrait de la jeune fille en feu grimpe en haut du cocotier).
C’est aussi l’heure d’un bilan plus global de cette 72e édition. Il n’y a pas vraiment de suspense : elle a été qualitativement parmi une des meilleures du festival, principalement par une compétition qui s’est confirmée comme particulièrement solide.
Même quand certains films (assez peu) se sont avérés claudiquants, ceux-là n’ont pas fait scandale ni été accueilli par des sifflets. Ils ont tout juste été passés sous silence ou rapidement oubliés.
Et puis il y a les films qui n’ont pas eu besoin d’être en compétition pour faire parler d’eux. Ceux que l’on attendait pas mais qui ont fini par briller à l’ombre des films concourant pour la Palme. Chaque année, Cannes livre une poignée de révélations inattendues. Généralement c’est dans les sections parallèles qu’on les trouve. Moins cette année quand La Semaine de la critique, La Quinzaine des réalisateurs ou l’ACID (Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion) ont paru un peu ternes. La poignée de films (Vif-argent, L’angle mort à l’ACID, Abou Leila et J’ai perdu mon corps à la Semaine, The lighthouse, Perdrix à la Quinzaine) ayant surnagé n’ont pas dépassé le statut de « bons films ». À une exception près pour la Quinzaine.
Bromance revisitée
Alice et le Maire sont plus qu’à la hauteur de son titre de conte moral à la Eric Rohmer. La rencontre entre un maire de Lyon et une philosophe engagée pour rebooster ses discours sait allier comédie sophistiquée et regard sur l’engagement politique. Il combine mise en scène discrète et dialogues aussi enlevés que raffinés. Un formidable équilibre qui passe par un casting qui pousse la déjà souvent épatante Anaïs Demoustier en avant et impose à Fabrice Luchini de se mettre en retrait. Nicolas Pariser réussissant là où beaucoup de réalisateur français se sont vautrés, à filmer l’exercice du pouvoir en brisant un plafond de verre entre cinéma sentimental et acuité du regard sur le monde politique.
Les deux autres films ayant tiré une belle épingle du jeu étaient à Un certain regard, la seconde division de la Sélection officielle. Karim Ainouz sépare deux sœurs brésiliennes dans La vie invisible d’Euridice Gusmao dans le Rio des années 50. Un CinémaScope sublime transforme ce double récit de vie de femmes malmenée par un monde patriarcal en épopée du quotidien, fait de rêves brisés, pour un des plus beaux mélodrames de cette année. Carburant tout autant à un intime dynamisé par une mise en scène ample,
The Climb refaçonne le buddy movie avec deux amis d’enfance qui ne peuvent pas se passer l’un de l’autre, même si leur relation est essentiellement toxique. À la fois comédie grinçante et parfaite étude de la masculinité d’aujourd’hui, le premier film de Michael Angelo Covino bouscule les codes de la rom-com pour explorer avec une étonnante franchise la face sombre d’une amitié. Dans un même geste il réinvente les bromances à la Judd Apatow pour les teinter d’un peu plus d’amertume.
Trois films qui seront forcément occultés d’ici samedi soir par le palmarès. Rien de grave, ils feront parler d’eux quand ils sortiront en salle.
Visuel © Extrait du film Alice et le Maire de Nicolas Pariser.