Au bout d’une semaine, le festival n’a pas encore pris le large. Seuls quelques films surnagent sur une mer d’huile.
Comment ça se passe à Cannes au bout d’une semaine de festival ? Allez savoir si c’est la fatigue usuelle ou si c’est une sensation plus globale, mais disons qu’à ce stade on ne parlera pas de ventre mou, mais de mou tout court. Rien qui ne ressorte vraiment du côté d’une sélection toutes sections confondues aux airs de mer d’huile. Notamment une compétition qui ne fait pas de vagues pour le moment. Pas de clair enthousiasme, ni de broncas. Si on a bien vu passer des stars, Tom Cruise en tête, du côté des étoiles décernées dans les divers tableaux des revues professionnelles, c’est le calme plat, à peine si « Frère et sœur », le film d’Arnaud Despleschin s’est fait un peu chahuter en séances de presse.
Le seul bruit à s’être fait entendre ont été des éclats de rire pendant la partie centrale de « Triangle of sadness », dézinguage en règle du capitalisme par Ruben Östlund, palmedorisé en 2017 avec “The Square”. Mais ce sursaut s’étouffe dans le reste d’une satire qui s’étire de trop sur 2h30 particulièrement démonstratives. Pas mieux du côté de David Cronenberg qui avait lui-même annoncé s’attendre à des sorties furibardes dès les cinq premières minutes de son « Crimes of the future ». Ça n’a pas été le cas, la torpeur d’un opus ayant plutôt cloué les accrédités sur leurs fauteuils. Dans ce qui paraissait sur le papier être le retour du cinéaste canadien à ses grandes heures, la douleur a disparu du monde laissant les humains se lancer dans des performances chirurgicales. L’effet aura été une anesthésie générale, devant un film trop distant, apathique jusqu’à endormir sa mélancolie ou sa part testamentaire.
Park Chan-Wook fait lui dans l’héritage, avec « Decision to leave », très divertissant hommage au « Vertigo » d’Hitchcock, entrelaçant intrigue romancière et beau mélo, mais sans parvenir aux vertiges pervers de ses films précédents. Faute de venin, le sud-coréen est pour autant en pleine montée de sève formelle, pour ce qui, pour le moment, reste le meilleur candidat de la compétition à un prix de la mise en scène.
Dans une édition jusque-là assez terne, pas grand-chose de notable donc du côté d’une compétition aux airs de minimum syndical. Pas beaucoup mieux à La semaine de la critique, en petite forme, alignant des films peu enclins à sortir de leurs rails, frisant globalement l’anecdotique. Le premier film de Charlotte Le Bon, présenté à la Quinzaine des réalisateurs, fait office d’éclaircie justement en dégondant un terrain ultra balisé. Chronique d’un amour d’été dans les grands lacs canadiens, « Falcon Lake » brouille les pistes en faisant flirter le cinéma teenager et le fantastique pour un étonnant climat, idéal pour aborder cette période entre deux âges. Le Bon se calant sur les mêmes variations hormonales, allant de l’euphorie au spleen. Dans l’horizon, pour l’heure assez plat, de cette édition, aller tremper les pieds dans ce lac-là est réellement rafraîchissant.