Chaque jour, Thierry Paret vous raconte son expédition dans l’Atlantique, embarqué à bord d’un cargo.
La Liberty Bridge. C’est ainsi que l’on nomme la ligne empruntée par les cargos qui relie l’Europe à la côte est des États-Unis. Une véritable autoroute de la marine marchande, une ligne droite qui passe au sud des glaces de Terre-Neuve. Parmi les nombreux cargos qui empruntent cette ligne, il y a La Traviata, porte-conteneurs de la compagnie française CMA CGM sur lequel notre journaliste Thierry Paret a eu l’occasion de vivre durant une semaine entre Le Havre et New York. C’est Cargo de Nuit.
Jour 1 : Liberty Bridge
J’ai embarqué le 19 août au Havre et suis arrivé à New York le 27 août. J’ai donc passé huit jours sur ce bateau hors norme. Huit jours sur trente-cinq, puisque La Traviata passe en tout trente-cinq jours en mer. Après avoir rejoint New York, le navire longe la côte américaine, Norfolk, Charleston, Savannah, avant de se poser à Southampton en Grande-Bretagne, Anvers en Belgique, Rotterdam aux Pays-Bas, Bremerhaven en Allemagne, et finalement Le Havre, avant de recommencer une nouvelle rotation similaire.
La Traviata, c’est un navire de près de 350 mètres de long pour une quarantaine de large et plus de 60 de hauteur. Un navire qui peut embarquer jusqu’à 8 200 conteneurs. La logistique pour embarquer ces conteneurs et les décharger en fonction des escales est impressionnante et imparable. Rien n’est laissé au hasard. Il faut dire que les enjeux financiers du transport maritime dépassent l’entendement. Un exemple, un conteneur de thon japonais représente plusieurs millions d’euros !
Oui, il y a des conteneurs réfrigérés sur un cargo. Sur demande du Commandant, nous tairons leur nombre précis en raison de la concurrence. Il m’a simplement autorisé à dire qu’il y en avait beaucoup…avant d’ajouter qu’il y en avait « plusieurs centaines ». Impossible de passer à côté de ces conteneurs réfrigérés sans le savoir, tant les moteurs qui permettent de les maintenir à la température voulue et qui fonctionnent jour et nuit les trahissent.
Le Commandant a pour obligation de connaître le contenu des conteneurs réfrigérés. En revanche, il n’a que faire du contenu des autres. Toutefois, si pour telle ou telle raison, il s’interroge sur le contenu d’un conteneur précis, il est en droit de consulter ce qu’on appelle « le manifeste ». Il s’agit d’un document douanier qui répertorie l’intégralité des conteneurs et de leurs contenus.
Outre les conteneurs réfrigérés et les conteneurs classiques, il y a aussi des conteneurs dit « dangereux ». Ces derniers sont classés sur une échelle de 9. Nous n’en saurons pas plus sur leurs contenus, mais on peut penser au gaz, par exemple.
En moyenne, 2 683 conteneurs sont perdus en mer tous les ans
C’est vraiment très impressionnant de voir à quel point tout est millimétré sur ce type de transport. À quai, les portiquiers (conducteurs de portiques) et les cavaliers (engins tout droit sortie du film Alien) ne perdent pas une minutes pour installer ou décharger les conteneurs dans un vacarme incroyable de ferraille, d’acier et de fonte qui s’entrechoquent. Presque rien n’est laissé au hasard. « Presque » car, parfois, un cargo peut perdre un conteneur. Ces conteneurs sont récupérés lorsque c’est possible mais bien souvent ils finissent au fond de l’eau. Il faut savoir qu’entre le Havre et NewYork, on peut atteindre des profondeurs allant de 4 000 à 5 000 mètres. Selon le World Shipping Council, groupe commercial représentant l’industrie internationale du transport, la marine marchande perdait en mer en 2011, 2012 et 2013, en moyenne, 2 683 conteneurs par an. Il convient de préciser que ce chiffre tient compte des bateaux qui perdent un conteneur, mais aussi de ceux qui pour une raison ou une autre, font naufrage et qui perdent donc une énorme quantité de conteneurs d’un seul coup.
Deuxième épisode de Cargo de Nuit, demain dans la Matinale d’Armel Hemme.
Mille mercis à l’agence Mer et Voyages qui m’a permis de réaliser ce voyage hors du temps, et qui accompagne chaque voyageur qui le souhaite à voyager différemment.
Visuels : (c) Thierry Paret