Retranché dans son chalet alpin situé « en 2081 », cet énigmatique ermite nous souffle l’hypothèse d’une taxe de solidarité de proximité, « le coup de pouce sur le pouce », également nommée « coup de Bernou ».
L’enregistrement que vous allez entendre nous est parvenu par la grâce liquide d’une bouteille de génépi, déposée en évidence à l’entrée des studios, fin août 2020. L’étiquette indiquait : « Pour votre Arche. » À travers le verre, un petit coffre en plastique flottait dans l’alcool de plantes. Le soir même, il fallut trois heures à notre équipe pour boire avec bravoure la boutanche entière, qui tomba en même temps que l’un de nos animateurs, et se brisa. Le coffre roula, s’ouvrit, révélant une pochette étanche, abritant elle-même une clé USB, contenant enfin plusieurs messages audios d’un certain « Carl Agité ».
Après débat au sein de la rédaction, il a été décidé de partager avec nos auditeurs ces « témoignages du futur », situés « en 2081 », cent ans exactement après la création de Radio Nova. L’auteur s’y présente sous les traits d’un ermite, « vieux sage et vieux singe », habitant un modeste chalet au pied du mont Blanc. Surprise, agréable : à « son » époque, le monde ne s’est pas encore écroulé.
Dans ce nouveau message, notre mystérieux moine des montagnes nous souffle l’hypothèse d’une taxe de solidarité de proximité, « le coup de pouce sur le pouce », également nommée « coup de Bernou », susceptible d’endiguer la mendicité et surtout de calmer la fringale des plus démuni.e.s. Une initiative qui naîtra à Marseille, dans moins de six ans. Comme l’a écrit le Norvégien Knut Hamsun dans son célèbre et foudroyant roman La faim (1890) : « Pas de soleil aujourd’hui non plus, et je grelottais comme un chien. Mes jambes étaient mortes et mes yeux pleuraient comme s’ils ne pouvaient supporter la lumière. Il était trois heures. La faim commençait à devenir un peu terrible. J’étais exténué, et j’avais des nausées. Tout en marchant je vomissais de temps à autre à la dérobée. Je descendis au restaurant populaire, lus le menu et haussai ostensiblement les épaules, comme si le petit salé et le lard fumé n’étaient pas du manger pour moi (…) Ma poitrine surtout était en feu, j’y ressentais une cuisson tout particulièrement pénible. Mâcher des copeaux ne servirait plus à rien ; mes mâchoires étaient lasses de ce travail stérile. » Pitié, que cela cesse !
Réalisation : Mathieu Boudon.
Pour écouter la précédente utopie de Carl Agité, c’est là : https://www.nova.fr/news/carl-agite-demain-nous-suivrons-la-lettre-les-preceptes-de-marvin-gaye-40707-16-09-2020/
Image : Sans toit ni loi, d’Agnès Varda (1985).