Brigitte Giraud signe et déclame un texte inédit sur l’épopée électrique du groupe originel de feu Rachid Taha, « sa subversion, sa vitesse et sa sensualité », enregistré à la Maison de la Poésie de Paris, en compagnie du guitariste Christophe Langlade.
« Respect, et chagrin. » C’était mi-novembre, au cœur du festival Paris en toutes lettres. La voix de feu Rachid Taha, celui qui chantait « pour ne pas devenir fou, ou bien pour aller jusqu’au bout » de sa folie, résonnait dans les ombres de la Maison de la Poésie de Paris. S’y déployait un texte inédit de Brigitte Giraud, lu par la romancière elle-même, sur l’épopée électrique du groupe Carte de séjour, gang débraillé de « rebelles de l’âme arabe » emportés par « l’énigme » Taha, perchés sur les hauteurs de Rillieux-la-Pape, ayant eu la grâce de réveiller, par leur fusion rock-raï joyeusement politique et farouchement antiraciste, la « douce France » de 1980 à 1990.
Fan avouée « de la première heure », née comme Rachid en Algérie, originaire elle aussi de la banlieue lyonnaise, l’autrice du récent Jour de courage se souvient des premiers concerts, de « la vitesse, la sensualité », de ce « parfum de subversion bon enfant » dans un pays qui se taisait trop souvent face à l’horreur banale du mot « ratonnade »… ce qu’elle raconte avec sobriété et précision, accompagnée sur scène par les climats abrasifs ou mélancoliques du guitariste Christophe Langlade.
«Le terrain est prêt pour que je ne rate pas ce feu qui bientôt embrasera tout. C’est maintenant que ça commence vraiment, j’ai dix-sept ans, la météorite Rachid Taha et son groupe Carte de séjour entrent en scène. Il combine une étrange alchimie, alliage entre un rock incisif et un grain de sable inattendu en provenance d’Algérie, celui qui titille la France depuis des lustres. Les quatre garçons, parfois cinq ou six, frappent fort et mettent un peu de sel, presque sans le vouloir, sur la plaie restée à vif de la guerre d’Algérie, qu’on nommait événements et à laquelle mon père prit part quand il avait vingt ans. »
« La brûlure. » Titre de ce spectacle joué à Toulouse, à Lyon en présence de membres du groupe et de la famille de Rachid, et donc à Paris, que nous vous proposons d’entendre aujourd’hui sur Nova, en intégralité – comme un hommage, aussi, à Mohammed Amini, guitariste rythmique et fondateur avec son frère Moktar de Carte de séjour, tragiquement disparu cette semaine des suites d’une longue maladie. Cette émission lui est dédiée.
Une émission animée par Richard Gaitet, réalisée par Sulivan Clabaut. Enregistrement et mix du spectacle : Christophe Langlade. Photo live : Bertille Chevalier.
Visuel de Une © Pochette de l’album Rhorhomanie de Carte de Séjour.