Ce groupe parisien de pop surréaliste rêve d’une île hors de portée des hommes, afin de « sauver les espèces qui peuvent encore être sauvées », tout en libérant cette semaine deux extraits de « Gong ! », sa comédie musicale sur le thème du temps.
« L’univers continuera sans nous / et les villes deviendront des forêts. » Deux mois, soit huit semaines, soit cinquante-six jours, soit mille trois cent quarante-quatre heures, soit quatre-vingts mille six cent quarante minutes, soit quatre millions huit cent trente-huit mille et quatre cents secondes. Pour celles et ceux qui purent ou durent jouer en intégralité le jeu du confinement, le temps s’est distendu ; répétition de gestes identiques, perte de repères, angoisses, insomnies, ou flegme impassible tel Bill Murray dans Un jour sans fin. A-t-on perdu ou gagné du temps ? La sensation ténue de glissement progressif vers la mort a-t-elle augmenté ou diminué ? Et : lors de cet arrêt soudain des forces principales de l’ère industrielle, a-t-on davantage pris conscience d’un temps planétaire ?
Le temps qui passe, ce qu’il produit en nous, sur nous, malgré nous, sera le sujet de Gong!, second album en forme de comédie musicale signé Catastrophe, à paraître à l’automne via le label Tricatel, après deux ans et demi de concerts et de « peurs avalées » depuis La nuit est encore jeune (2018).
« La solastalgie, c’est cette mélancolie spéciale qu’on éprouve face à la crise écologique, c’est aussi la douleur à l’idée de perdre son habitat, son refuge, son lieu de réconfort. » Solastalgie, c’est l’un des deux extraits de ce prochain disque – avec l’entêtant Encore, qui affirme haut et fort que « tout le temps que j’ai gagné, je le perdrais à en profiter si je vivais encore » – que le collectif parisien de pop surréaliste vient de libérer sur les ondes et les réseaux. Sur Solastalgie, Blandine Rinkel, Pierre Jouan, Arthur Navellou, Carol Teillard d’Eyry, Bastien Bonnefont et Pablo Brunaud harmonisent en douceur un futur bientôt débarrassé de notre présence, où la nature reprendra le dessus, sans peine. Montés à bord de notre arche, quatre d’entre eux poursuivent le rêve d’une île « hors de portée des hommes », un sanctuaire animalier propice à « sauver les espèces qui peuvent encore être sauvées ». Mais avant, qu’est-ce qu’on fiche ? Réponse : « Si hâte de détourner nos yeux des écrans et de courir dans la rue, un serpent autour du cou, si hâte de danser sans regarder sa montre. »
Pour tourner autour de Catastrophe sur la tête du Parti Communiste Français, c’est maintenant ou jamais.
Visuel © Les Bêtes du Sud sauvage, de Benh Zeitlin (2012).