Le cinéma social british remixé par un génie du clip. Attention, ça secoue.
Leila aime Aaron. Une anglaise d’origine pakistanaise et un écossais pur jus. Forcément ça coince du côté de la famille de la jeune femme, très portée sur les traditions. Familiales ou criminelle, quand ce clan fait aussi partie de la mafia.
Lorsque les deux tourtereaux se font la malle, le père de Leila est tellement vénère qu’il en appelle à son fils et son gang pour aller récupérer coûte que coûte la fugueuse. Même s’il faut pour cela faire alliance avec une bande de caïds écossais. Qui ont en horreur les pakis. Autant dire que la loi du sang va couler à plusieurs titres.
Catch me daddy est un film noir. Noir comme la nuit. Daniel Wolfe la filme d’ailleurs admirablement, entre autres lors d’une scène de poursuite ou l’on ne distingue que des phares.
Ce talent pour filmer les zones troubles, tant psychologiques que géographiques avait déjà été repéré en format court : Jake Gyllenhaal en serial killer déambulant pour massacrer ses victimes choisies au hasard dans le clip de Time to dance, c’était déjà Daniel Wolfe. Le futur dystopique de celui d’Iron Sky pour Paolo Nutini transformant la chanson en renversante complainte ? Encore lui.
En passant au long métrage, il joue sur un niveau supplementaire : les tenants et les aboutissants d’une violence, sociale, morale, physique. Catch Me Daddy organise la collision entre les univers prolos d’un Ken Loach ou d’Andrea Arnold (Red road) avec la noirceur de certains films des frères Coën. Quelque chose qui relierait le cinéma de genre et le réalisme social.
En mélangeant acteurs non-professionnels et équipe technique hyper-pro, Catch Me Daddy invite l’hyperréalisme dans le polar. Une combinaison ahurissante capable de transformer la lumière naturelle des landes du Yorkshire en ambiance de contes de fées brutal, en tragédie shakespearienne hallucinogène.
Catch me daddy fait se percuter les mondes, scénario de Roméo et Juliette dans une ambiance contemporaine d’Angleterre post-industrielle et défoncée, sens de l’espace et du territoire digne d’un western face à la lutte des classes. Jusque dans la B.O capable d’aligner chansons de country-folk mélancoliques et morceaux de Nicky Minaj tout en énergie, ou dans cette alliance d’un filmage des corps très concret – oui, c’est parfois du brutal- et part sensorielle – travail de dingue sur le son.
Il y a quelque chose qui gronde donc tout au long de Catch Me Daddy, peut-être l’envie de rebellion d’une jeunesse britannique, surtout la virtuosité démente d’un réalisateur renouvelant le cinéma socioréaliste à l’anglaise à coups de mandales dans la tronche.
En salle le 7 octobre