Pionnière du MLF, cette écrivaine parisienne nous conte l’épopée maritime d’un équipage « d’Oiselles » qui, « dans les débris de continents anéantis », se mettent soudain « à tout prendre à la légère ».
Déposer une gerbe en l’honneur de « la femme du soldat inconnu », sous l’Arc de Triomphe. C’était il y a un demi-siècle, le 26 août 1970. En compagnie d’une douzaine d’amies, professeures ou sans-papiers, Cathy Bernheim signa par ce geste l’un des actes de naissance du Mouvement de Libération des Femmes (MLF). Avec, sur l’une des banderoles, ce slogan si évident : « Un homme sur deux est une femme. » Cathy fit ensuite partie de plusieurs groupes : « Les petites marguerites », « les féministes révolutionnaires », « Les gouines rouges » (tout en n’ayant « jamais voulu militer en tant que lesbienne », pour ne pas être « déterminée par ça »). Elle cofonda le journal Le Torchon brûle et militera dix ans, comme « une espèce de vagabonde », avant de rejoindre la rédaction de Femme actuelle (où elle écrivit sur le cinéma jusqu’en 2015) et, surtout, de vivre pleinement sa vie d’autrice.
Depuis 1983 et la sortie de son premier essai au titre programmatique (Perturbation, ma sœur), on doit à Cathy Bernheim trois ouvrages sur la prodigieuse créatrice du mythe de Frankenstein, l’Anglaise Mary Shelley, la traduction de l’autobiographie d’Angela Davis ou celle d’un essai sur… George Lucas, ainsi que de nombreux romans, scénarios, biographies et albums illustrés pour enfants. En 2019, cette critique inlassable du patriarcat a publié Mémoires des temps futurs (éditions Le Chant des Voyelles), bref roman d’anticipation situé dans « l’après-après apocalypse » consécutive aux trop nombreuses guerres menées par les « H. », comprendre les hommes. On y retrouve de courageuses survivantes, une femme à barbe « à la peau visqueuse », ou un « petit trois-mâts autonavigateur » piloté par « Zera, la lointaine descendante de l’inspirateur de la révolte des enfants du XXIe siècle » et un auxiliaire radio nommé… Novo (!), qui a « longuement étudié les civilisations » « et leur savoir-faire inutile » désormais rangé au « musée des Modes passées ». Ensemble, ils font cap vers « l’île aux Oiselles », sororité sage semblable aux gardiennes des graines dans le sable de Mad Max : Fury Road.
À bord de notre Arche, l’écrivaine parisienne nous offre à 74 ans un chapitre supplémentaire de son conte écolo-féministe, via l’épopée d’un radeau de survivantes qui, « dans les débris de continents anéantis » et un « joyeux vacarme de sarcasme et de dérision », se mettent « à tout prendre à la légère »… ce qui soudain les transforme en Oiselles.
Réalisation : Benoît Thuault.
Pour en savoir plus sur l’autrice, c’est ici : http://cathybernheim.over-blog.com/
Image : Mad Max : Fury Road, de George Miller (2015).