Aujourd’hui : la 46ème cérémonie des César !
L’époque est compliquée… Si compliquée que je n’ose plus réagir à l’actualité sans préalablement laisser filer un délai d’au moins 3 jours ouvrés. Aujourd’hui, tout est si complexe que je pèse désormais chacun de mes mots, chacune de mes idées avec la précision d’un orpailleur en fin de journée. Un bon mot et la fortune peut te ruisseler dessus… Un mot de travers et c’est la Béresina, en gouttelettes froides et glaciales comme l’eau de ce fleuve bélarus.
Vendredi dernier, une poignée d’artistes se câlinait le nombril entre deux sanglots longs et trois suffocations, devant un parterre tout riquiqui qui ressemblait plus à la salle d’attente d’un centre de vaccinations endimanché qu’à une salle de spectacle accueillant en strass et grandes pompes, une remise de prix. C’est en huis clos donc qu’ils ont parlé d’eux, de leurs souffrances, de leur ennui, parfois, et souvent même des ennuis d’un métier, le cinéma, à l’arrêt faute de salles. Ils ont parlé avec des mots justes, des bustes tels des culs de bus tagués, des silences et des moqueries. Ils ont parlé et ça en a irrité certains, énervé plus d’un qui leur ont reprochés cette mise en scène et surtout ces mots d’acteurs devenus auteurs, auteur d’un roman dont ils peinent à être le héros.
Il n’y a plus de héros, héros, héros petit patapon. Il n’y a plus de héros à applaudir le soir à 20h00. Alors on se tait, où l’on râle plus fort encore pour que l’écho de notre râle supplante le râle du voisin. Du haut de sa tour d’ivoire, chacun râle de plus en plus en fort. On se croirait en pleine répétition d’une chorale sous LSD. Chacun braille à tue-tête sa partie sans chercher l’accord avec les autres. L’acteur, celui qui habituellement cherche à être l’autre, à être le rôle, ou du moins à l’incarner, lui donner vie et à résonner avec ceux de ses partenaires, l’acteur a viré égocentrique. Moi, moi, moi…
Souffler n’est pas joué, souffrir n’est pas jouir ! Mais que n’aurait-on dit, si plutôt que de parler de lui, l’acteur devenu auteur, l’actrice devenue nue ou auteure ou les deux à la fois, nous avait narré la vie de quelqu’un d’autre, de quelqu’une d’autre, s’il, si elle s’était approprié.e inclusivement ou pas cette autre vie. L’écho des flashs sur le mur blanc, plus encore que celui du râle dans la parisienne, agite la culture à gros brouillons pour le ravissement de son actionnaire numéro 1. À l’heure de l’occupation des théâtres et autres lieux de culture, n’oublions pas que ce qu’attendent acteurs et spectateurs, c’est de l’action pour renouveler sur la même scène et dans la fosse, cet ensemble qui nous va si bien à nous tous.