Dans « Today’s Special », récapitulatif des scandales survenus lors de ces deux cérémonies du cinéma.
Les polémiques durant les cérémonies ne datent pas d’hier et ne sont pas réservées qu’à la France. Pour le Today’s Special d’Armel Hemme, Thomas Zribi revient sur les scandales qui ont marqué les César et les Oscars.
Nous avons vécu un vendredi soir terrible : tensions, polémiques, débat, insultes. C’était la première fois, sans doute, que la soirée des César ressemblait à une mauvaise fête de famille.
La première fois en France — où cette cérémonie n’existe que depuis 1976 — mais aux États-Unis, cela fait bien plus longtemps qu’on s’engueule. Les Oscars, eux, existent depuis 1929, et cela méritait bien un petit récapitulatif des plus grands scandales nés lors de ces soirées à paillettes.
On vous épargne les polémiques classiques sur la robe plus ou moins transparente de telle ou telle actrice, ou sur une chanson ratée en introduction. Passons directement aux choses sérieuses : quand la politique déborde sur le cinéma.
Hattie Mac Daniel : du devant de la scène au fond de la salle
Le premier gros scandale remonte à 1940. L’actrice Hattie Mac Daniel reçoit l’Oscar du meilleur second rôle féminin pour son rôle dans Autant en emporte le vent. C’est la première actrice noire à être récompensée. Elle est chaleureusement applaudie et remercie le jury, en larmes.
Mais en pleine ségrégation aux États-Unis, Hattie Mac Daniel n’a pas eu le droit de s’asseoir à la même table que les autres comédiens lors de la soirée. Elle a dû s’installer au fond de la salle, dans l’espace réservé aux Noirs. Si à l’époque cela passe inaperçu, l’histoire ne sera racontée que bien plus tard. L’académie des Oscars tient à ce qu’on ne parle que de cinéma et de rien d’autre lors de la remise des prix.
Pendant des années, c’est cette même logique qui sera à l’origine des scandales suivants. Chaque fois qu’un acteur parlera d’un sujet politique qui lui importe, il le paiera cher.
En 1973, alors qu’il est récompensé, Marlon Brando envoie une jeune femme apache refuser l’Oscar à sa place, pour dénoncer la manière dont les Indiens d’Amérique sont représentés au cinéma. Lui et la jeune femme crouleront sous les insultes.
Deux ans plus tard, le producteur d’un documentaire contre la guerre au Vietnam gagne l’Oscar. Il remercie les activistes anti-guerre. Lors de la même soirée, l’organisation fait passer un message s’excusant de cette prise de position déplacée selon elle, et ce malgré le thème du documentaire.
Richard Gere : pas d’Oscars pendant 20 ans
La soirée la plus emblématique de cette allergie à la politique de l’académie a lieu en 1993. Suzan Sarrandon et Richard Gere sont pris en grippe par l’organisation : la première ayant soutenu les réfugiés haïtiens séropositifs dans son discours et l’autre ayant exhorté la Chine à « retirer ses troupes du Tibet ». Richard Gere sera même exclu des Oscars pendant 20 ans pour ses propos. Malgré la pression de l’académie des Oscars, les discours politiques deviennent quasiment systématiques dans les années qui suivent et ce jusqu’à aujourd’hui.
De plus en plus, le grand public exige que les lauréats aient un passé au mieux irréprochable, ou au minimum pas de criminel avéré. Cela ouvre la porte à un nouveau type de scandale, qui ne vient plus donc, de l’organisation mais des spectateurs.
La première polémique de ce genre survient en 1999. Elia Kazan s’apprête à recevoir un Oscar d’honneur mais une partie de la salle refuse de l’applaudir. Une manifestation est même organisée dehors. Pourquoi ? Dans les années 50, Elia Kazan avait dénoncé huit de ses camarades d’Hollywood devant la commission McCarthy, les accusant d’être communistes. Un acte qui a immédiatement mis fin à leur carrière.
Le même procédé se répète depuis, à chaque fois qu’un lauréat a un passé douteux. Le public proteste, mais finalement cela ne change rien au palmarès.
Le public proteste… et qu’est-ce que ça change ?
Roman Polanski est récompensé malgré le scandale en 2003. Même chose pour Casey Affleck accusé de harcèlement sexuel en 2017 et le basketteur Kobe Bryant, accusé de viol et qui gagne le prix du court-métrage en 2018.
C’est là sans doute le problème : rien n’a changé dans le système de nomination et d’élection aux Oscars. En France, c’est exactement la même chose aux César. Aux États-Unis, on demande aux 6000 membres du jury de voter pour leurs films, acteurs, et réalisateurs préférés, mais sans tenir compte du passé des candidats. Cela ne fait pas partie des critères de sélection. Les problèmes ne surgissent donc qu’après le vote.
Ce serait tellement plus simple, ici comme là-bas, si les règles étaient posées dès le départ.
La chronique de Thomas Zribi est à retrouver dans Today’s Special.
L’Osar 2017 de Casey Affleck © Getty Images / Jason LaVeris