La chronique de Jean Rouzaud.
Ce qu’on appelle les deux Congos sont les anciennes colonies, française et belge, jusqu’à la décolonisation de 1960.
Non seulement ce grand pays au centre de l’Afrique, qui abritait plus de 200 ethnies, avait été divisé arbitrairement, puis exploité au maximum, et dans la partie belge (qui appartenait « en propre » au roi Leopold), ce fut quasiment un génocide qui eut lieu…
Pourtant, dès les années 50, ce vivier de cultures et de traditions, plein de vie et d’entrain, s’empara de la musique, afin de retrouver ses racines, et d’exprimer son désir de liberté et de joie !
Leur découverte de la musique des Caraïbe, et surtout de celle de Cuba, sonna le départ de groupes musicaux variés qui n’allaient plus s’arrêter de se multiplier jusqu’à maintenant.
1955-1962 : les débuts d’une révolution
Le label Soul Jazz Records, dont la spécialité est de remonter toutes les sources musicales pour en extraire les pépites, nous propose cette révolution musicale, à ses tout débuts, de 1955 à 1962, sous le titre de Congo Revolution : 21 morceaux qui sont un panorama de cette époque de renaissance…
On y retrouve toute la douceur, la finesse aérienne, le style « branché » des Congolais, qui allaient devenir de grands orchestres et des idoles comme Tabu Ley Rochereau, Papa Wemba, mais aussi Franco, Grand Kalle, Dr Nico ou Wendo Kolosoy, eux-mêmes inspirateurs des futurs « Sapeurs », ces dandies qui se feront appeler « Société des Ambianceurs et Personnes Elégantes » ( S.A.P.E.).
OK Jazz, Kongo Jazz, African Jazz… dans ces groupes très actifs et très demandés par une jeunesse qui voulait sortir et danser, le mot jazz n’est là que pour l’effet moderniste, car c’est une succession de Cha-Cha, de Mambo, de Rumba, avec une touche de Merengue ou de Neo Rock, qui compose ce disque.
Avec une grande justesse et peu de moyens (guitare, basse, percussion, voix et à peine de cuivre) ces quatuors exécutent, en toute simplicité, les rythmes cubains, en plus dépouillés et plus cools !
Paroles simples et naïves, parlant d’amour, de sorties, mais aussi de révolution, de « tables rondes » (ironie politique) ou de leur héros et martyr national Patrice Lumumba, le grand démocrate assassiné, qui aurait pu sauver ce pays déjà meurtri…
Ce qui est frappant, ce sont les rythmes parfaits, justes, très en place, et la guitare cristalline, alignant des notes suaves et délicates, et ces voix aiguës, presque de filles, lançant leur « llamada » (appel), et leur réponse, répétée en rythme pour danser toute la nuit.
On peut encore danser sur ces morceaux de plus d’un demi- siècle, grâce à leur structure chaloupée (Cha cha cha, Rumba) ou rapide (Merengue, Mambo) qui est exécutée avec une précision d’orfèvre, et qui tient le coup, comme un métronome…
Les naïvetés charmantes de paroles ou des titres (« Alegria », « Rhytmo Vedette Jazz », « Les voyous », « Chérie Nini », « Vive Patrice Lumumba ») ou de simples prénoms de filles, disent toute la poésie directe de ce pays, et leur amour pour ces rythmes cubains, qui ont fait l’ALLER–RETOUR pour leur revenir, et dont ils sont, pour moitié, les créateurs !!!)
Cet effet boomerang est très répandu en Afrique (de l’ouest notamment), car les esclaves ont donc emporté avec eux leurs structures musicales, et malgré les travaux forcés et les interdits (des deux côtés : coloniaux et esclavagistes !), ils ont triomphé…
Avec ce CD de 21 titres, un livret de 50 pages (!) raconte l’historique de cette musique naissante, de 1955 à 1962, sous des marques de 78 tours comme RCA – Victor, puis avec la prise de conscience et une poignée de producteurs grecs (!) l’éclatement des groupes, de talents et de succès…
La vingtaine de photos d’époque de Jean Depara (ami et grand amateur) sont reproduites avec la collaboration de la prestigieuse « Revue noire »…
Congo Revolution. Revolutionary and Evolutionary Sounds from the Two Congos, 1955-1962. 21 titres et un booklet historique détaillé et illustré de photos de Jean Depara (avec Brassos et OK Jazz, Edo et OK Jazz, Nino & Rock a Mambo, Bagette et le Vedette jazz Orchestre, Essos et Orchestre Bantou, Beguen Band, African Jazz, Dewayan et Conga Jazz, Kongo Jazz, Grupo O.K. Jazz, Wendo Kolosoy, et OK Jazz…)
Existe en double vinyl (avec pages intérieures) et CD avec Booklet inclus.
Visuel © OK Jazz, Soul Jazz Records