Du 20 au 27 juin 2023 se tenait la 12e édition du Champs-Elysées Film Festival, le festival incontournable du cinéma indépendant français et américain.
“Une célébration de la liberté, un regard sur l’intime et une réinvention de l’amour”. Voici les maîtres mots de cette 12ᵉ édition du Champs-Élysées Film Festival créé en 2012 par Sophie Dulac, productrice, distributrice et fondatrice de la société Maison Dulac Cinémas. Dans les années 1970, il existait une soixantaine de cinémas sur la « plus belle avenue du monde ». En 2023, il n’en reste plus que cinq : Le Balzac, Le Lincoln, Publicis Cinéma, Gaumont Champs-Élysées et l’UGC Grand Normandie. Et c’est justement dans l’ensemble de ces salles mythiques que les 60 films programmés au cours du festival sont projetés.
Cette année, la cérémonie d’ouverture a lieu dans l’immense salle du cinéma UGC Normandie. Dans son discours d’ouverture, Sophie Dulac partage son émotion de se trouver dans ce lieu : « 12 ans que je rêve d’ouvrir le festival dans cette salle mythique. Voilà chose faite ! ». Entre deux remerciements aux divers partenaires du festival parmi lesquels l’ACID, Radio Nova ou la RATP, la fondatrice se permet un petit tacle, déplorant que depuis la création de l’évènement, « aucun des Ministres de la Culture [n’ait répondu à son] invitation ». Les bases sont posées, ce festival a des choses à dire.
L’indépendance en étendard
En effet, depuis ses débuts, l’un de ses objectifs est de mettre en lumière un cinéma audacieux et engagé, de nouveaux regards sur le monde. Selon Justine Lêveque, directrice artistique du Champs-Élysées Film Festival, l’une des visées de l’évènement est de ramener le public dans les cinémas du quartier, notamment en misant sur « une programmation alternative, offrant une place aux contre-cultures ». Comme son nom l’indique, ce rendez-vous met en avant uniquement des productions indépendantes, c’est-à-dire des films produits hors du système des grands studios de production qui dominent aujourd’hui l’industrie du cinéma. Échappant ainsi aux logiques de production normées du cinéma « mainstream », le cinéma indépendant possède une bien plus grande liberté de création, tant dans la forme que dans le fond. Ainsi au fil des années, le Champs-Élysées Film Festival a toujours mis en valeur des films qui n’étaient souvent pas portés par la presse ou les grands distributeurs, certains étant projetés uniquement dans le cadre du festival. Selon l’acteur Rabah Nait Oufella, « le cinéma indépendant est sans cadre, sans règle, ce qui permet de s’émanciper des barrières et de grandir l’art ».
Une programmation pointue et engagée
Cette année, quarante courts, longs et moyens métrages français et américains étaient en compétition dont de nombreux premiers films, des fictions et des documentaires qui « interrogent notre époque par le prisme de la création », d’après la brochure du festival. Des interrogations autour des identités de genre et des sexualités (Passages de Ira Sachs, qui ouvrait le festival, Mutt de Vuk Lungulov-Klotz, Kokomo City de D. Smith…) et des identités culturelles et sociales (Adieu les copains de Lawrence Valin, Pacific Club de Valentin Noujaïm, Parmi Nous de Sofia Alaoui…). D’autres problématiques de société étaient également questionnées, comme le manque de moyens de l’hôpital public dans État Limite de Nicolas Peduzzi, ou les risques de la technologie « deepfake » utilisées dans la pornographie avec Another Body de Sophie Compton et Reuben Hamlyn.
Le jury longs-métrages était présidé par le réalisateur Bertrand Bonnello et composé de l’illustratrice Pénélope Bagieu, la musicienne Irène Drésel, la réalisatrice Ellie Foumbi et l’acteur Rabah Nait Ouffela. Côté formats courts, la musicienne Rebeka Warrior présidait un jury constitué de la photographe Charlotte Abramow, les réalisateurs Geordy Coutureau et Simon Rieth et l’actrice et réalisatrice Lina Soualem. Pour la présidente du jury, « un jury est conçu un peu comme une équipe film, chacun·e des jurés ayant des compétences pour analyser certains aspects de l’œuvre. Moi, par exemple, je prête particulièrement à la musique et à la sonorisation d’un film que je juge, pas vraiment à la photographie ou au montage car ce ne sont pas mes spécialités ». Sur la question de la façon dont on regarde un film en tant que juré, Rabah Nait Ouffela affirme tenter de conserver le regard le plus proche possible de son œil de spectateur, préférant se laisser « cueillir par l’émotion » suscitée par le visionnage que décortiquer l’œuvre.
Des films…mais pas seulement
Depuis sa création, cet incontournable des cinéphiles parisiens fait le choix de proposer, en plus de sa riche programmation de films en compétition, des tables rondes, des rétrospectives (de Ira Sachs et Eliza Hittman cette année), des avant-premières des masterclasses, des showcases ou encore des DJ sets. Cette année, un cycle spécial consacré au thème Girl Power présentait « une sélection de cinq longs métrages français et américains interrogeant l’empowerment » : Bound de Lilly et Lana Wachowski, Mimi de Claire Simon, Thirteen de Catherine Hardwicke, Mutantes de Virginie Despentes et History Lessons de Barbara Hammer. Des projections de ces films féministes, engagés et essentiels dans l’histoire du cinéma pour la plupart accompagnées de tables rondes et discussions (avec Alice Diop, Claire Simon, Iris Brey, Esther Brejon, Océan, Nine Antico, Jackie Buet, Julie-Anna Grignon).
Pour cette douzième édition, le Champs-Elysées Film Festival a une fois de plus attiré des milliers de festivalier·ères grâce à sa programmation riche et unique en son genre, et engagement fort pour un cinéma libre, audacieux et novateur.
Le palmarès du festival est à retrouver ici.