1950, à Mexico. Revolver à la ceinture, cigarette au bec, bouteille de tequila à portée de main, sur la scène d’un cabaret du quartier de Coyoacan, le quartier artistique de Mexico, Chavela Vargas subjugue le public. Chavela est la sensation du moment. Une femme qui s’approprie tout des hommes, leurs vêtements, leurs postures, leurs conquêtes, aussi, car Chavela est le plus grand Casanova de cette scène artistique mexicaine. Mais par dessus tout, elle s’approprie aussi leur musique.
Ce qu’elle chante est une adaptation de la musique ranchera – une musique rurale, de cowboys, plutôt macho à l’origine – mélangée au boléro, ces chants de coeurs brisés. Chavela chante les écrits dans plus grands compositeurs de l’époque, et ne change pas les pronoms lorsqu’ils pleurent leur amour pour des femmes perdues. Elle est homosexuelle, et tout le monde le sait.
Il convient de le préciser, parce qu’il n’est pas évident d’être lesbienne et de l’assumer dans le Mexique des années 50. Chavela en sait quelque chose. Surtout que Mexico est déjà, pour elle, un eldorado de liberté, car elle est née au Costa Rica, dans une famille de classe moyenne très catholique, comme la société qui l’entoure, où son apparence de garçon manqué sont une honte à cacher. L’église la refuse, sa famille aussi. À 16 ans, Chavela, qui s’appelle en réalité Isabel, fuit pour Mexico.
Un épisode écrit et raconté par Clémentine Spiler, réalisé par Malo Williams. Pour écouter la bande son de Pionnières, c’est par ici.
Visuel © Getty Images / Michael Caulfield