Eh au fait, qu’est-ce qu’on écoute cet été ? Au bord de la mer ou du quai de métro, voici quelques belles sorties estivales.
Common & Pete Rock – Auditorium vol. 1
Du hip-hop old school comme dans les 90’s. C’est ce que nous proposent ces deux géants que sont Pete Rock et Common sur ce premier album collaboratif, loin d’être leur premier projet commun. L’un produit depuis des années pour la crème du rap américain, comme Kendrick Lamar, Nas ou encore Run-D.M.C, l’autre est un MC porte-étendard d’un hip-hop alternatif et éloigné du bling-bling.
Samples, scratchs et un style soul et jazz reconnaissable : Pete Rock mérite sa casquette de génie, lui qui ne cesse de transformer plusieurs obscurs échantillons en classiques. Ne cherchez pas plus loin pour savoir ce qui a conquis et convaincu Common d’allier leurs forces du beat. En session avec Pete, il se sentait « chez lui » et prêt à « MC librement ».
Une alchimie qui s’entend déjà sur le single groovy “Dreamin’”, preuve que leur union se construit autour de leur amour pour le hip-hop. The Notorious B.I.G., Kool G Rap, Queen Latifah, des légendes que Common honore dans ses couplets, pour rappeler celles et ceux qui ont inspiré les deux artistes à s’exprimer par la musique. Même topo niveau production, Pete Rock sample la voix de la reine Aretha Franklin dans « Day Dreaming« . On vous laisse deviner le reste des samples à l’écoute d’un album aussi riche dans sa production que dans ses lyrics érudits.
Childish Gambino – Bando Stone & the New World
Le 2 juillet dernier, il nous livrait un avant-goût de son sixième album en dévoilant un premier single, “Lithonia”. Un piano, une guitare électrique et des chœurs enveloppants, c’est tout ce qu’il fallait pour attiser l’impatience générale à l’approche de Bando Stone & the New World.
Et le voici enfin sorti. L’album signe le dernier projet de Donald Glover sous l’alias Childish Gambino, et constitue également la bande originale du futur film éponyme réalisé par ce dernier, qui sortira en fin d’année. Surprenant, éclectique, mélangeant tour à tour pop, rock et électro, Bando Stone & the New World passe d’un premier titre saturé et sombre à un rythme reggaeton sur “Happy survival” (Feat. Khruangbin), tout en traversant des morceaux pop comme “Real Love” ou “Running Around”, en featuring avec Fousheé.
Cet album, vous l’aurez compris, c’est à la fois la quintessence de la singularité musicale de Childish Gambino, mais aussi un lieu d’expérimentations, de variations, de surprises et d’intensités musicales. On en ressort surpris, saturé des samples divers et parfois même improbables (le coassement d’une grenouille sur “Cruisin’”) qu’on vous invite à découvrir les yeux fermés, allongés sur l’herbe sous la chaleur de l’été.
Brijean – Macro
À l’origine du projet, la percussionniste Brijean Murphy, l’une des plus appréciées de la scène indie-pop américaine, qu’on a pu retrouver ces dernières années aux côtés de Toro Y Moi, Poolside ou encore U.S. Girls. Depuis deux ans, elle compose sous son propre nom de baptême avec un producteur issu du jazz, Doug Stuart. Après un premier EP Walkie Talkie en 2019 et deux albums, le duo pop électronique revient avec Macro, sorti le 12 juillet dernier. Des synthés rêveurs presque toujours distordus accompagnent la voix planante de Brijean et forment ce macrocosme utopique qui englobe toutes les émotions urbaines : l’impatience, la tension, la contemplation, l’invasion des sonorités de toutes parts comme sur “Scenic Route”.
Sur son électro tour à tour house à la Kaytranada comme dans “Counting Sheep”, jazz ou rock indé à la Crumb (il y a même des airs de jungle dans “Breathe”), Macro est un album riche, rempli de lyrisme, de mélancolie, tout en rythmes variés. Un album parfait pour s’évader, décharger et recharger ses batteries en vacances.
Eminem – The Death of Slim Shady (Coup De Grâce)
1997-2024 : le monstre créé de toutes pièces par Eminem n’est plus. Sur la pierre tombale de Slim Shady, que l’on aperçoit dans l’un des teasers de l’album, on lit “it feels so empty without him” (“tout semble vide sans lui”), grosse ref’ au tube “Without Me” (2002), archive de l’âge d’or du rappeur de Detroit. Ce dernier signe cet été un douzième album (sorti le 12 juillet, CQFD) résolument cinématographique — en témoigne le morceau d’introduction et les skits éparpillés au générique du disque. Comptons aussi sur de nombreuses collaborations tout au long de ces vingt titres. Mais voilà : tout cela est-il suffisant pour faire notre deuil, et nous éviter la formule “c’était mieux avant ?” Pour ça, on vous laisse vous faire votre propre avis.
Fontaines D.C. – Romance
De leur quatrième album, on ne connaît pour le moment que deux singles, dévoilés précédemment. Mais il suffit d’écouter “Starburster” et “Favourite” pour capter la couleur que semble prendre Romance. Derrière Fontaines D.C., les quatre Irlandais Grian Chatten (chant), Conor Curley (guitare), Conor Deegan III (basse), Carlos O’Connell (guitare) et Tom Coll (batterie) continuent de faire résonner leurs ambitions post-punk avec des sonorités nouvelles. Sur les deux morceaux déjà sortis, on croise des airs de piano, la voix déchirée du chanteur accompagné par des chœurs, ou des notes synthétiques fiévreuses. Alors encore un peu de patience avant la sortie le 23 août prochain, au beau milieu de l’été, de Romance.
Joe Goddard – Harmonics
Avec Harmonics, Joe Goddard — l’un des deux fondateurs de la bande Hot Chip — signe un troisième album solo explosif, fort d’une belle liste d’invités et avide de grands écarts musicaux. C’est un festival de mélodies d’une heure, entre disco (“Summon”), séquences groovy (“Progress”), plutôt hip-hop avec le rappeur Oranje en featuring sur “When Love’s out of Fashion”, ou à mi-chemin entre le gospel et la house dans “New World (Flow)”. Un album mosaïque où il fait bon de se perdre.
Milton Nascimento & Esperanza Spalding – Milton + Esperanza
La contrebassiste américaine Esperanza Spalding met le cap pour le Brésil en s’alliant à une figure de la musique carioca, Milton Nascimento. Le fruit de cette collaboration verra le jour le 9 août, à travers un album commun baptisé Milton + Esperanza. Il comprend des reprises de morceaux originaux de Nascimento sortis dans les années 70’, où vient s’entremêler la voix féminine d’Esperanza, à l’effigie d’“Outubro”, premier single déjà disponible.
Le duo nous dévoile 16 titres qui mettent à l’honneur la scène jazz avec notamment une reprise d’un morceau du saxophoniste Wayne Shorter ou encore la voix de Dianne Reeves. Milton + Esperanza c’est donc un album nostalgique, à l’esprit « saudade », intergénérationnel et cosmopolite, aux influences pop et rock venant s’immiscer dans des reprises étonnantes de titres des Beatles ou encore de Michael Jackson.
Milton Nascimento reçoit sa première guitare à 14 ans, un film de Truffaut le motive à écrire, et devient même DJ pour un temps. À maintenant 81 ans, il a su se forger une carrière à l’effigie de son talent et s’inscrit de toute évidence dans le paysage sonore brésilien, aux côtés de Chico Buarque et Jorge Ben Jor. Nova en parlait déjà il y a 4 ans, dans le Classico Néo Géo de son morceau « Canoa Canoa ».
Remi Wolf – Big Ideas
Débordants de rythmes dansants et de cuivres jazzy, “Cinderella” s’impose comme l’élu de Remi Wolf. Premier single, titre liminaire de Big Ideas, ce morceau disco-funk illustre à merveille les variations d’émotions et d’esthétiques qui jalonnent son second album.
L’artiste de Palo Alto écrit son propre conte de fée, celui qui se passe de prince charmant, et qui préfère éduquer en toute franchise sur la sexualité (“Toro”), la santé mentale et la sobriété (“Alone in Miami”). Wolf associe sa musique à ses sauts d’humeurs, éparpillée, elle alterne pop disco et soul des années 60, jusqu’à tenter un groove reggae parsemé de punk sur “Wave”. Une énergie contagieuse nécessaire pour l’été.
Ravyn Lenae – Bird’s Eye
Les beaux jours arrivent avec Ravyn Lenae. En juin déjà, l’artiste de Chicago sublimait le titre “Video” de Kaytranada avec sa touche RnB tout droit sortie des années 2000. Une esthétique déjà bien assumée en 2022 sur son stupéfiant premier album Hypnos. Le temps passe, Ravyn Lenae prend son temps dans cette industrie à courte durée d’attention et sort son second LP Bird’s Eye le 9 août prochain.
Comme à son habitude, Ravyn Lenae s’amuse à donner une couleur à ses projets. Après un rose vif et orange pour Moon Shoes (2015) ou un ton rouge brulant pour Crush – son EP révélateur de 2018 produit par Steve Lacy –, elle choisit “technicolor vif” pour le petit nouveau. Cette référence au cinéma en couleur pourrait bien annoncer un Bird’s Eye narratif, comme combiné parfait de sa carrière et sa palette musicale multicolore.
Le double single “Love Me Not”/“Love is Blind” donne des indices : Ravyn Lenae s’aventure à la fois sur territoire pop tout en optant pour une soul plaintive, sa zone de confort. Une nouvelle fois bien accompagnée, puisque que le producteur Dahi – celui derrière des prods de Childish Gambino, Kendrick Lamar, SZA et autres pointures américaines – l’épaule sur ce nouveau projet.
Lava La Rue – Starface
« So many humans, and where’s the humanity ? » (Tant d’humains, et où est l’humanité ?) soupire Lava La Rue sur “Humanity”. L’artiste londonienne, pure produit de l’ouest de la capitale, se met à distance de la Terre, de ses relations humaines destructrices et préfère se la jouer extraterrestre queer sur son très attendu premier album Starface.
Lava La Rue brise le cadre spatio-temporel autant dans la narration que dans la production. Starface combine passé et présent, ainsi que Londres et Los Angeles. Les touches de drum’n’bass et de ska côtoient la soul, un funk rétro et le R&B de la côte californienne. Le disque arrive même cinq ans après l’enregistrement des voix, comme si la Lava La Rue de 21 ans avait été conservé dans une capsule temporelle.
Puisque l’album se construit sur le passé, Lava La Rue s’entoure de son collectif NiNE8. Cette bande de la génération Z, issue de la classe ouvrière, qui jure que par le DIY et la communauté. Sa famille londonienne, en quelque sorte, qu’elle convie sur “Fluorescent/ Beyond Space” avec le rappeur Feux. Ce ne sont pas les seuls, Lava La Rue fait la part au featuring et déclare « honorer chaque culture qui influence ses goûts musicaux ». On retient la collaboration avec l’artiste sud-coréenne K-POP, So!YoON!, sur “Interplanetary Hoppin”.