À l’occasion du Nouvel An chinois, Grégoire Bienvenu s’est penché sur la playlist idéale pour fêter comme il se doit l’année du lapin. Aux lapins et à tous les autres, bonne année !
Pour le Nouvel An chinois, qui a été fêté ce dimanche 22 janvier dans Néo Géo Nova, découvrez cette playlist sélectionnée par notre chroniqueur Grégoire Bienvenu !
Année du lapin, année de l’espoir. Alors qu’il semble qu’un consensus se dégage très largement sur le fait que l’année passée n’a pas franchement été très bonne (merci les tigres), l’année lunaire qui s’est ouverte ce dimanche 22 janvier est annoncée comme porteuse d’espoir. Le lapin, l’un des animaux les plus petits du zodiac chinois, est reconnu comme un symbole de prospérité, de longévité et de paix. A la Radio Nova c’est à cette paix que nous aspirons de toutes nos forces, cette paix qui doit revenir en Ukraine, cette paix qui ne doit jamais quitter les radars de l’île de Taïwan. L’ancienne Formose s’est ainsi retrouvée au cœur de l’attention médiatique tout au long de l’année passée, érigée à ses dépens en parangon des tensions économiques et géostratégiques de la guerre froide que se mènent la Chine et les Etats-Unis. Alors à l’heure où les Chinois, les Taïwanais et leurs diasporas tout autour du monde se rassemblent en paix et en famille, débutons la nouvelle année en musique, avec des artistes des deux côtés du détroit. Bonne année du lapin, prenez soin de vous et de vos proches, 我们在Nova祝大家新年快乐 !
- Jay Chou (周杰伦) – « The Greatest Works of Art » / « 最伟大的作品 » (2022)
Aussi bien connu dans son pays natal qu’en Chine continentale depuis la sortie d’albums iconiques des années 2000 – « 范特西 » (Fantasy) ou « 七里香 » – Jay Chou est aujourd’hui devenu l’une des plus grandes pop star asiatiques. Il existe mille et une raisons de choisir Jay Chou pour débuter cette sélection : parce qu’il a été le premier à intégrer des passages rappés dans de la musique pop et a ainsi ouvert la voie à la légitimation du rap en Asie, parce qu’il est toujours très beau, très poli et politiquement « safe » ce qui lui a permis d’obtenir le titre officieux de « King of the Mandopop », ou parce qu’au-delà de la musique, il est aussi l’égérie d’un nombre incalculable de marques sur toute la planète. De notre côté, on a plutôt choisi de commencer avec Jay Chou parce que l’artiste est un grand amoureux de la France : en 2022, il est devenu mécène et ambassadeur NFT du Paris-Saint Germain et pour la pochette de son dernier album, « 最伟大的作品 », il pose… en face du Mont Saint Michel ! Dans le clip de « The Greatest Works of Art », le musicien nous entraîne également dans un voyage féérique dans le Paris des années 1920, à la rencontre des grands artistes de l’époque : Magritte, Matisse, Dali, Van Gogh, etc. On apprécie notamment l’introduction jouée sur un piano au dernier étage de la Samaritaine et l’interlude, au piano également, réalisée en duo avec l’incroyable pianiste Langlang (朗朗).
2. DIGI GHETTO – « 芳草地 » (2022)
Dans les petits papiers, il se dit que DIGI GHETTO préparerait une tournée européenne pour bientôt et c’est une très belle nouvelle : s’il est un groupe qu’il ne fallait pas rater cette année en Chine, c’était bien eux. Les six rappeurs – KIV, Thomeboydontkill, Mula Sakee, Mac Ova Seas, Asen et Toyoki – récemment récompensés par les prix de « meilleur groupe de rap chinois » et de « meilleur clip de rap », sont originaires de la célèbre ville de Chengdu, capitale du Sichuan, et prennent le relai dans une scène locale désormais mondialement reconnue pour avoir entre autres hébergé le CDC Rap House (成都集团) et les Higher Brothers. Déterminés à porter une image moderne et innovante de la création musicale chinoise, les rappeurs de DIGI GHETTO déroulent un rap à la croisée des genres : leur utilisation décomplexée de l’auto-tune s’inscrit tout aussi bien sur des riffs de guitares émo que sur des instrumentales acoustiques comme dans « 芳草地 ». Le goût de ces rappeurs pour les belles choses s’exprime également à travers leurs innombrables tatouages, l’association iconoclaste d’habits de couturiers au port de la cagoule et la monstration de voitures de luxe, assurant ainsi leur inscription au rang des jeunes rappeurs internationaux au succès démesuré (bien sûr, on pense à toi Central Cee).
3. INBLOOD Edhem – « Money ain’t shit freestyle » (2022)
Alors qu’en mars dernier, on rappelait sur Nova l’importance d’écouter les voix de la jeunesse du Xinjiang, INBLOOD continue de démontrer la qualité artistique des musiciens de l’ouest de la Chine. Dans un freestyle anthologique délivré au micro de Soulsense TWH, Edhem, digne représentant du groupe Yiltiz et rappeur du collectif INBLOOD, se casse la voix en trois langues différentes : mandarin, ouïghour et anglais. « Money ain’t shit, style is everything » sonne comme un rappel pour ceux qui persisteraient à penser que l’enrichissement personnel est une fin en soi : c’est avant tout le style qui fait le rappeur. Un freestyle chaud et puissant comme on les aime, délivré par le Western China Underground.
4. TORYONDACLOUD & YoungB – « 深 2DEEP » (2020)
On clôture notre chapitre hip-hop avec une collaboration entre TORYONDACLOUD, rappeur de la ville chinoise aux plus de trente millions d’habitants – Chongqing – et YoungB 扬宾, rappeur de la capitale de Taïwan, Taipei. Ce dernier, figure proéminente de l’équipe The Gang Money Fast – à qui l’on doit l’introduction de la trap sur l’île et la requalification du territoire en « Trapei » – sert actuellement une peine de neuf ans de prison pour vente de cannabis… et pour s’en être un peu trop vanté dans ses morceaux. Il parvient tout de même à se retrouver sur ce projet au timbre sirupeux, suspendu entre deux mondes, mais rassemblant les barons locaux dans un même territoire sous-culturel.
5. PUMAN – « B’Lang Beauty » (2020)
Il y a quelques années, on introduisait le reggae chinois sur les ondes de Nova, à travers la musique énergique et ensoleillée du groupe KAWA. Cette année, c’est au tour de PUMAN de nous envoyer voyager dans des embruns de Jamaïque, tout en restant les deux pieds en République Populaire de Chine. Dans la province du Yunnan, au sud du pays, le reggae chinois a trouvé un terrain très fertile. À cela plusieurs raisons, (1) géographique : à la frontière du Laos, du Vietnam et de la Birmanie, le Yunnan est un territoire à la nature luxuriante et à la météo douce tout au long de l’année ; (2) identitaire : de nombreuses minorités culturelles comme les Wa, les Bulang (du titre de la chanson), les Dai, les Yi, etc. s’emparent du reggae pour l’interpréter à l’aune de leurs propres traditions culturelles ; (3) rythmique : en n’opérant aucune distinction entre la musique et la danse, les artistes du Yunnan intègrent plus facilement les rythmes spécifiques du reggae. Mais en ce qui nous concerne, on préfère retenir une hypothèse bien plus symbolique : le Yunnan partage avec la Jamaïque une place privilégiée aux abords du tropique du cancer. Charge désormais aux spécialistes de la musique d’Égypte, du Mali, du Mexique et des autres pays situés sur ce parallèle de confirmer ou d’infirmer cette relation !
6. DALDA GO!东九 – « 阻挡不住困意来袭 » (2022)
« Je ne peux pas résister à l’envie de dormir. » En fin d’année, alors que les températures baissent et que l’on aimerait prolonger les moments sous la couette, le groupe de musiciens de Qingdao et de Dalian nous ont proposé un EP aux accents très pop-funk et aux reverbs jazzy : RainBowRain. Influencé par les sonorités de l’indie pop japonaise et coréenne, DALDA GO! signe ici un morceau d’intro hyper acidulé qui est aussi un superbe remède pour contrer la morosité ambiante. Mais alors que l’on commence à penser en secret à l’arrivée du printemps et que les jours rallongent doucement, ce morceau prend une autre tournure. Voyez par vous-même, sortez du lit et claquez des doigts en rythme, puis laissez-vous aller lentement sur le riff de la guitare électrique : ça y est, vous voilà presque arrivés dans l’année du lapin !
7. Sunset Rollercoaster – « I Know You Know I Love You » Audiotree Live (2018)
Avant de vous lâcher complètement dans cette nouvelle année lunaire, on vous invite à faire un dernier tour avec nous sur le nuage du sextet le plus doux de Taïwan : les Sunset Rollercoaster. Dans cette version live enregistrée aux studios américains d’Audiotree, les Sunset reprennent le morceau phare de leur album « Bossa Nova » sorti en 2011. Mais quiconque se trouvait au Trianon en septembre dernier pour leur unique date française peut témoigner que ni le morceau, ni le groupe, n’ont pris une ride. La jeunesse asiatique la plus cool de Paris était au rendez-vous, ce qui nous laisse à penser qu’en 2023, les Sunset Rollercoaster seront encore, sans l’ombre d’un doute, un groupe sur lequel on peut compter.