La chronique de Jean Rouzaud.
En 1992, le label Soul Jazz Records ouvre son bal avec une drôle de galette de jazz expérimental. Dix-neuf morceaux assez martiens, comme des musiques de films étirées, syncopées, décalées…Hors cadre.
Airs martiens
À Londres, on est au bout des modes années 80 : tout y est passé, du Punk-Rock à la House Techno en passant par World, Latino, Rap…La new-wave a tout ratissé…Le retour du Jazz avait sonné.
L’Angleterre renouait, dans un bain musical géant, avec quelques sources, rebaptisées Acid Jazz , Electro Jazz, Latin Jazz. Un néo jazz chic, poseur, design, comme avait pu l’être le Jazz cool trente ans plus tôt. Chris Bowden, saxophoniste, lance alors sa « capsule de temps », comme un message groupé. À envoyer dans l’espace ?
En attendant, les magazines trendy d’alors, de The Face à NME en passant par ID, trouvent cet essai suprême ! On cite Miles Davis, Satie, Stravinsky, Star Trek ! Les Anglais ont le chic pour adorer l’avant-garde et en faire une base Pop.
Ce disque est une « expérience ». On invente des étiquettes comme Astro Jazz, Electronica Psycho acoustique (!). Orchestration classique et Dub Beats, un nouveau territoire…zéro synthétiseurs, devenus omniprésents, donc « out », Chris Bowden a évité le cliché.
Bowden a créé un orchestre violon, flute, violoncelle, clarinette, clavier, percus et tablas plus voix, pour un résultat de dix-neuf morceaux venus de nulle part. Une drôle de combinaison tantôt lente, tantôt rythmée, musique de film planant, ou de suspens ou d’un genre inconnu…
On parla à l’époque des confins du système solaire (!), à cause des titres de morceaux comme « Epsilon transmissioné », « Extra vehicule activity », « Time capsule » ou « Telescopic » 1, 2 et 3.
Un disque impossible ?
Aujourd’hui, on dirait une muzak d’ascenseur réussie, raffinée, un massage auditif qui parfois s’éteint, comme à distance. Un mix jazzy satiné, pas habituel, très B.O. de musique de film. Ambiance et atmosphère garantie.
De beaux breaks, avec des reprises rythmiques souterraines. Zero dance, n’attendez aucun trémoussement. Jungle et Drum and Bass vont arriver, patience.
Ce disque impossible sonna le temps venu pour des musiciens intellos de repartir sur des sentiers orchestraux, plus ambitieux et instrumentaux. Puis la planète New Jazz rajouta les nouveaux rythmes électroniques. Mais c’est une autre histoire…
Chris Bowden. Time capsule. Réédition Soul Jazz record. Dix-neuf morceaux acoustiques. Existe en CD, double vinyl collector et Digital.
Visuel : (c) Soul Jazz Records