À Clermont-Ferrand, ce romancier de l’apocalypse, qui flippe à mort dès qu’il entend parler d’utopies, nous offre une visite guidée de sa Gotham City post-soviétique : la « République indépendante de Mertvecgorod », dégueulasse et corrompue, où les kebabs ont enfin ce goût d’hydrocarbure dont il rêve la nuit.
Ce sera, probablement, le bouquin le plus poisseux de la rentrée. Son titre, déjà : Feminicid, en librairies le 16 septembre, deuxième tome des chroniques de la « République indépendante de Mertvecgorod », un an et demi après Images de la fin du monde, tous deux publiés aux éditions Au Diable Vauvert. Dédié aux victimes de l’authentique féminicide perpétré dans la ville-frontière de Ciudad Juárez au Mexique depuis 1993 (quatre cents femmes assassinées, six cents disparues), le nouveau roman de Christophe Siébert est une sorte de Millenium craspec, à la sauce ruskoff. Son héros, Timur Maximovitch Domachev, est un fouille-merde, un résidu de journaliste spécialisé dans « les égouts et le caniveau », sans « aucune conscience sociale ni politique, aucune culture ». Son destin bascule le jour où il est contacté par des « aktivisti » énervées représentées par la mystérieuse Lily (ses loisirs : la techno hardcore, le chamanisme, la sexualité sacrée, les drogues synthétiques artisanales). Au prix d’une balle dans la tête, Timur enquêtera avec elle sur les milliers de meurtres atroces qui frappent les dames de Mertvecgorod.
Mertvec-go-quoi ? L’auteur décrit sa Gotham City comme « une mégapole déliquescente de sept millions d’habitants, post-soviétique et pré-apocalyptique, dévorée par la pollution, perdue dans la toundra, pourrie jusqu’à la moelle, criblée de surnaturel. La version russe du Los Angeles de Blade Runner. Le Londres de Jack l’éventreur déplacé à la frontière ukrainienne. » Depuis sa (vraie) ville de Clermont-Ferrand, ce prince des ténèbres de l’underground littéraire, qui depuis plus de vingt piges propose via sa prose macabre un « réalisme critique et une forme de naturalisme social qui mêle horreur, pornographie et gore », très justement récompensé du prix Sade pour sa Métaphysique de la viande (2019), nous offre une visite guidée de sa contrée « où ça grouille, ça pue et ça braille », « purement, totalement soumise aux passions humaines : orgueil, avidité, narcissisme, impulsivité, égoïsme, libido ». Quelque part, oui : un futur désirable.
Réalisation : Mathieu Boudon.
Pour en savoir plus sur le parcours de Siébert et la « fabrication » de cet écrivain, c’est ici : https://audiable.com/boutique/cat_document/fabrication-dun-ecrivain/
Image : Joker, de Todd Philipps (2019).