Room 514 : avant, il y avait les bons et les méchants
Room 514 est, comme son nom l’indique, l’histoire d’une unique pièce, de quatre murs qui enferment les protagonistes de ce film. Dans cette pièce, une seule fenêtre, et l’héroïne doit se mettre sur la pointe des pieds pour voir à travers. Son horizon, elle ne l’aperçoit que depuis cette cellule qui devient la sienne.
Dans cette toute petite pièce, les personnages défilent, les relations s’intensifient, les rôles s’inversent. Le premier pas vers cette salle, c’est Anna qui le fait, en tant qu’enquêtrice. Elle appartient à la police en charge de surveiller l’armée israélienne. Elle est jeune et termine son service militaire. Avec détermination elle franchit cette porte, convaincue qu’elle va réussir à y faire condamner un commandant qui a lynché, pendant un service en terre occupée, un père de famille palestinien innocent.
Mais le ton est donné dès le départ, quand elle évoque sa nostalgie pour les vieux films, là où il est toujours facile de savoir qui sont les bons et les méchants. Car dans cet univers resserré, cyclique, exigu et étouffant, la caméra passe d’une hyper-subjectivité à une autre. Le soldat coupable devient innocent, le courage et l’obstination deviennent une faute et une question subjective. Finalement, c’est la justice même qui se retrouve mise à mal par le sentiment de légitimité.
Au delà d’une plongée dans l’univers clos et habituellement silencieux de l’armée israélienne, l’intérêt de ce film réside dans cette interrogation sur les limites entre le légitime et le légal, la détermination et l’obstination, la liberté et la soumission, le tout dans le cadre complexe du conflit israélo-palestinien.
Dans une seule petite pièce, on découvre que la réalité du terrain (que l’on ne voit d’ailleurs jamais) est protéiforme. La violence n’est pas là où on l’attend. La douceur non plus, qui surgit par la grâce et la subtilité de l’actrice principale, Asia Naifeld.
Room 514 est en fait une tragédie moderne ; l’homme s’est débarrassé du fatum divin, il sait s’imposer grâce à sa détermination et à son insoumission.
Et pourtant, le tragique ressurgit, d’autant plus angoissant qu’il est l’oeuvre des hommes.