Le réalisateur Lellouch vient raconter sa vie en musique au micro d’Isadora Dartial pour un « Dans les Oreilles » très… visuel.
Claude Lelouch est amoureux de la vie, boulimique de « l’être humain », il aime découvrir et apprendre, encore, toujours – comme en perpétuelle quête de sens, et pourtant il a tout vu, presque tout vécu. Le temps d’une journée, Radio Nova a reçu le réalisateur d’Un Homme et Une Femme, récompensé à Cannes, pour parler avec lui de la sortie de D’un film à l’autre, synthèse de 50 ans de carrière et de films produits par la maison qu’il a fondé « Les films 13 ». Mais il est aussi venu raconter sa vie en musique, sa première passion.
Lelouch est un hyperactif, depuis toujours, « depuis l’enfance » (…) « J’ai très vite pris conscience que la vie était courte et que si on voulait faire un maximum de choses, il fallait les faire vite (…) Tant que je suis vivant je vis, je dormirais ensuite, puisque la mort nous est promise« .
N’est-il donc jamais calme ? Si, bien sûr ! Au cinéma…le seul endroit où il est « capable de rester assis pendant deux heures, comme envolé vers un ailleurs« . Plus qu’un remède, le 7ème art est une histoire d’amour – la seule peut-être – à laquelle il est jamais resté fidèle.
Une fidélité qui se retrouve dans ses films, avec, il est vrai, souvent les mêmes acteurs, souvent les mêmes noms. Un amoureux, un vrai. Une grande famille, Ventura. Brel. Halliday. Anconina, et tant d’autres… Tous sont pour lui « des enfants, qu’il faut apprendre à connaître ». Et pour cela, il se fixe une règle d’or : « Si possible toujours faire trois films avec chacun d’entre eux. Le premier pour se dire bonjour, le deuxième pour le plaisir de mieux se connaître, et le troisième pour se dire au-revoir« .Dans D’un film à l’Autre, Lelouch a rassemblé ce qu’il appelle des « petits moments de miracles » – séquences et pépites qui n’étaient pas écrites, pas prévues dans le scénario, mais qu’il a eu la chance de saisir. Il préfère le mot miracle au mot « best-of ».
S’il fallait trouver un fil conducteur à ces miracles-là, ce serait la musique, le deuxième amour de sa vie.
Sa première révélation ? Au Clair de la Lune, chanté par sa maman. Le type n’est qu’amour. Et puis l’adolescence, les tourne-disques, les 78, 45 et 33 tours et la musique à la télé (son père en achète une en 1937 pour sa naissance, le 7ème poste de France, Lelouch plus rapide que les autres, est déjà en avance).
A la Libération, il tombe amoureux du jazz, avec Glenn Miller, avant Duke Ellington. Son premier disque ? Un Charles Trenet – qu’il vole. Disons par amour. En tout cas par romantisme. Le fou chantant lui fait pousser des ailes, lui apprend à aimer la vie à l’inverse d’Edith Piaf, qui le fait chialer. Viendra ensuite Bécaud, Aznavour et puis bien plus loin, bien plus tard, bien plus différent, Brassens, son « maître » (…) « Quand je l’ai entendu, je suis tombé à genoux, j’ai compris que c’était lui le patron« .
La musique, Lelouch la vit. Dans sa tête trottent les images d’un concert de Sinatra à Las Vegas, mais aussi et surtout de l’Opéra, dont il est fou. « On m’a forcé à y aller, j’ai commencé par m’y faire chier, jusqu’à que je découvre les ballets« .
Si on devait résumer tout Lelouch, des envolées amoureuses à ses prises de vitesse en caméras embarquées à ski ou en voiture (dans ce cultissime court-métrage), de la fuite d’Itinéraire d’un enfant gâté à un Roman de gare, oui, si on devait résumer ce cinéma épris en une seule mélodie ce serait le Chabadabada d’Un Homme et une femme.
Ce n’est qu’avec Autant En Emporte le Vent qu’il prend conscience de l’importance de la musique associée aux images. Dans ses films à lui, elle est un acteur, un personnage à part entière, elle contient « une part d’éternité« , tout le contraire du scénario qu’il considère comme « mortel, puisqu’il ne s’adresse qu’à notre intelligence« . Un scénario ne transcende pas, une musique, si : « d’ailleurs, quand vous regardez la tête des gens à un concert ils sont beaux, vous prenez les mêmes à un discours politique ils ont une sale gueule« , s’amuse t-il.
La musique est aussi pour lui des rencontres. Décisives. Perre Barouh tout d’abord, mais aussi Francis Lai, son complice de toujours, qui lui a ouvert « pas mal de portes dans la tête » et l’a amené « sur des terrains musicaux auxquels il n’avait jamais pensé« .
Et quand on lui demande la chanson qui l’a le plus marqué, il répond sans hésitation « Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ? – Si l’on y réfléchit un peu, il me semble que c’est une phrase que l’on devrait gueuler tous les jours, sur tous les toits« . Le bonheur, c’est sa marque de fabrique.