Le fondateur du génial festival est décédé, laissant derrière lui des anecdotes savoureuses, des jam sessions inoubliables, et quelques belles colères…
Claude Nobs le fondateur du festival de jazz de Montreux est mort. Il avait inventé le festival de jazz de Montreux, sa ville natale, en 1967. Claude Nobs est mort jeudi 10 janvier à Lausanne, des suites d’une chute en ski de fond, à proximité de son village de Caux, dans les hauteurs (suisses) du Lac Léman.
Montreux… qui dans le jazz (et beaucoup plus) ne connaît ce nom magique, une Mecque de la musique ? C’est que ce fou de swing a implanté dans cette ville de retraités aux eaux dormantes un festival qui a très tôt attiré des curieux de tempos obliques. D’où un choc de civilisation que Nobs a géré avec malice.
1967, Claude Nobs, travaillant pour la municipalité, co-organise sur trois jours le premier Montreux Jazz Festival, avec Clarles Lloyd et Keith Jarrett. Et deux ans plus tard, il invite le groupe blues rock Ten Years After. Début d’un grand mix pas toujours bien vu par les puristes du jazz.
L’année d’après, lors d’un concert de Frank Zappa, le Casino, qui accueille le festival, prend feu. De la scène, Zappa fait évacuer le public en bon ordre, ça donnera « Smoke on the water », le tube de Deep Purple. Un autre Casino abritera le festival avant que, dans les années 90, un Palais des Festivals n’abrite l’évènement avec ses deux grandes scènes.
Entretemps, Claude Nobs est devenu le boss de Warner Europe. Il contrôle la croissance et surtout l’ouverture. Jazz et beaucoup plus, le rock, les musiques chaudes (la légendaire Nuit Brésilienne depuis 1979), et même l’electro, ont vite trouvé leur place.
Ses amis s’appellent Miles Davis, Ornette Coleman, Gilberto Gil ou Quincy Jones (un abonné du Festival), les musiciens l’adorent, d’ailleurs, il les reçoit royalement dans son grand chalet, sur les hauteurs du Léman, où une cave blindée recèle des milliers de videos-trésors, concerts de Montreux mais-pas-que…
Claude Nobs n’est pas un bisounours, ses colères sont aussi légendaires que ses apparitions sur scène avec son harmonica, le temps d’une jam qui parfois laissent hallucinés les artistes, pas prévenus. Jamais hors tempo, Nobs.
J’ai vécu plus d’une dizaine de Montreux Jazz Festival, comme journaliste depuis 1978, comme tourneur en 1989, comme simple spectateur en 2007. J’y ai notamment découvert Terry Callier au début des 80’s. Claude Nobs a toujours eu la passion contagieuse. Un bonheur d’être accueilli à Montreux.
Parmi les mille histoires, celle de João Gilberto, le pape de la bossa nova viré d’un hôtel comme un malpropre en 89. Claude Nobs se fâche, exige des excuses de l’hôtel sous peine d’aller voir ailleurs avec son festival, rien que ça ! Excuses prestement reçues.
Montreux va tenter de survivre à son fondateur. Bonne chance à son équipe…