Partisan d’un disco-funk aux positions farouchement marxistes, ce musicien californien, signé chez Record Makers, entend réveiller notre conscience du prolétariat. « D’ici cinquante ans, ce sera une question de vie ou de mort. »
« Je ne dirais pas que je communiste : je soutiens les classes ouvrières et prolétariennes qui souhaitent un changement radical. » Novembre 2019, on découvre la vidéo d’All power to the people, le dernier single en date de Cola Boyy, 29 ans, étonnant partisan d’un disco-funk politisé originaire d’Oxnard (Californie) signé par les Frenchies de Record Makers (Air, Sébastien Tellier). Dans une classe de CE2 où tous les élèves sont vêtus de rouge, le musicien tient le rôle du prof’ prompt à enseigner les façons « d’écraser les fascistes » et distribue les écrits de Lénine, Mao, Frantz Fanon ou Che Guevara, sous des portraits de Karl Marx ou de Fidel Castro, en incitant les mômes à contester « les loyers trop élevés », à « filmer la police » et, euh, à prendre les armes pour « se défendre eux-mêmes ». Et le chanteur à la voix nasillarde de lever le poing, entouré de kids auxquels il est promis de bientôt « marcher sur le pouvoir porcin ».
Un drôle de coco, donc, qui fut à la sortie de son premier EP, Black Boogie Neon (2018), l’un des invités de nos Nuits Zébrées. Mais qui se cache sous la capsule de Cola Boyy, dont le pseudo provient de son goût, enfant, pour la boisson gazeuse la plus capitaliste de la planète ? Un certain Matthew Urango, qui eut la malchance de naître handicapé, plombé par une malformation de la colonne vertébrale. À 2 ans, il se fait amputer d’une jambe et, depuis, porte une prothèse, tout en souffrant d’une capacité pulmonaire réduite de 25%. Triste ironie, l’homme a un frère jumeau tout à fait valide. Et ce jumeau est Blanc, alors que Matthew est métis, ce qui n’a souvent rien d’un avantage aux yeux de la société.
« Un handicapé est constamment stigmatisé. Mon seul rêve de gamin était de devenir comme les autres. Mon look me permet de me sentir fier dans ma différence. » Assez stylé, vêtu de pattes d’eph’, de polos chics et de chemises seventies, Cola Boyy milite aujourd’hui au sein de l’asso Todo Poder Al Pueblo, qui soutient les droits des immigrés surexploités dans les champs de fraises d’Oxnard. « Je crois dans le travail coopératif, dans la prise de possession des moyens de production par les travailleurs et dans le rôle de l’État. J’ai des critiques envers l’URSS, mais je trouve que ce fut une expérience inspirante, avec plus de bon que de mal. »
Proche de Myd, de Nicolas Godin ou de Devendra Banhart, avec lesquels il signa ces derniers mois de beaux duos, Cola Boyy entend réveiller nos convictions. « Dans cinquante ans, l’activisme sera partie prenante de ton quotidien. Tu n’auras plus le choix, question de vie ou de mort. Les conditions générales seront devenues si tendues entre les travailleurs et les patrons que le combat sera inévitable. Ce sera la révolution, vous voyez ? Pas une balade au parc. Ou un barbecue le week-end. Ou un post Instagram. Ce sera la peur, la vraie. Continuez à occuper les rues. C’est ça qui va transformer la société. Pas le dernier pantin de la bourgeoisie. Et si un jour je deviens moi-même un pantin de la bourgeoisie, dit-il en riant, fichez-moi dehors. »
Pour écouter Cola Boyy, c’est là : https://colaboyy.bandcamp.com/track/all-power-to-the-people
Réalisation : Juste Bruyat.
Image : Have you seen her (détail), de Cola Boyy (2018).