Cinq plumes, cinq MC’s, cinq écritures, un groupe : le 5 Majeur. Rencontre avec des écrivains qui rappent
Le 5 Majeur ou une vision originale et moderne du MCing qui prend forme dans un anonymat quasi-total, avant même l’émergence de 1995, L’Entourage et autres écuries de « nouveau rap ». 5 plumes, pour autant d’univers différents réunis autour de l’amour des jolis textes. Quelques années plus tard, forts de leurs parcours individuels et en équipe, les MC, unis comme les cinq doigts de la main, reviennent avec « Variations », concentré de lyrics et de flows regroupant tout ce qu’il se fait de mieux en double H, le tout sur des instrus toujours de qualité. Heskis, Hunam, Keroué, Vidji et Nekfeu symbolisent ce mouvement qui est autant musical qu’il n’est une conviction.
Rencontre avec ceux qui viennent d’honorer la dernière vidéo de nos bons amis de Grünt en kickant comme il se doit la douzième du nom (cf bas de page).
Comment s’est orchestré votre première rencontre et la première session d’enregistrement du 5 Majeur 1 ?
Vidji : Ca faisait un moment que certains d’entre nous avaient pour projet de se capter. On a profité d’un concert de Fixpen Sill à Quimper en première partie de la Rumeur pour tous se retrouver. Ca a duré 5 jours, pendant lesquels tout s’est passé très vite, de l’idée d’enregistrer un Ep jusqu’à la fin de sa réalisation même.
Keroué : On faisait déjà tous du rap en parallèle de cette rencontre. Vidji et moi venions de créer Fixpen Sill. J’ai rencontré Heskis au festival des Transmusicales à Rennes, il avait déjà un groupe, Hors de Portée, avec Hunam – que je n’avais jamais rencontré. Nekfeu quant à lui commençait juste à faire parler de lui sur Paris, je l’avais rencontré à son boulot à Montparnasse à la suite d’échange de morceaux via Facebook. Le feeling s’est crée, nous nous sommes donnés rendez vous à Rennes un week end pour jouer en première partie de la Rumeur (nous avions gagné un tremplin avec Fixpen nous donnant accès à cette scène). Tout ça s’est fait très vite, nous avons été jusqu’a Nantes au studio de Vidji pour écrire sur des instrus qu’il avait préalablement réalisées (elles n’étaient alors pas destinées au projet 5 Majeur). Au final, 8 morceaux on été retenus, et chacun à ensuite pris la route que certains connaissent aujourd’hui.
Le projet 5 majeur 1 est paru avant vos propres projets personnels respectifs (Le sens de la Formule pour Fixpen, La source pour Nekfeu, GTA pour Hunam). Quelle importance donnez-vous à ce premier projet, qu’est ce qu’il a pu vous apporter par la suite ?
Vidji : Moi il m’avait mis une pression dingue parce qu’on devait taffer dans l’urgence et qu’on savait que le potentiel était là : merder un seul jour serait revenu à abandonner l’idée de sortir l’EP. Ca m’a appris à relativiser sur le perfectionnisme et à pouvoir tenir 3 jours enfermé sans manger ni dormir.
Heskis : Au moment où on l’a enregistré, on ne s’est posé aucune question. On voulait juste se faire plaisir sur l’écriture et les flows. On ne lui a pas accordé une importance particulière, outre ces paramètres là. C’est surtout par la suite que les choses ont « évolué ». Le projet a été partagé bien au-delà de nos espérances, on ne s’y attendait vraiment pas. On était tous complètement inconnus à cette époque là, et il n’y avait pas encore tout l’engouement qu’il y a aujourd’hui autour de la nouvelle scène Hip Hop. En fait ce projet à surtout connu un succès d’estime, plus qu’un réel effet de « buzz ». Et ça, bien évidemment, on en est super fier.
Keroué : Je me suis rendu compte que je n’étais pas le seul à rapper dans mon coin, que ce qu’on tentait d’élaborer avec Vidji n’était pas un cas isolé et que d’autres personnes, dans une aire géographie proche, avaient les mêmes attentes. Il est évident que cette expérience du 5 Majeur nous a construit et fait évoluer d’une manière particulière.
Hunam : J’ai vécu le 5 maj comme une sorte de baptème, puisque je n’avais jamais vraiment eu l’occasion d’enregistrer plusieurs morceaux d’affilée, sans compter la partie écriture. J’hallucinais devant la capacité des autres à écrire rapidement des 16 de qualité ; j’étais lent et en plus de ça, non conscient des structures que j’employais. Du coup au cours de cette session j’ai beaucoup observé, écouté.
Tous les membres du groupe ne peuvent pas être constamment en relation, occupés par des tournées ou par une distance géographique. Qu’est ce que vous pensez que le fait de vous retrouver tous à un moment précis apporte en termes de création ?
Vidji : Du risque ! Donc de l’excitation. Chaque nouvelle piste est comme le bourgeon précoce d’un printemps plein de promesses…
Heskis : De l’immédiateté. On y va uniquement à l’instinct. Je sais que ça parait hyper conventionnel de dire ça, mais on à un mode de fonctionnement qui se veut le plus spontané possible. Une instru défile, on bouge tous la tête dessus, c’est parti. C’est tout. Après, ça implique forcément de ne pas avoir beaucoup de possibilités de recul sur ce qu’on fait. Mais c’est justement comme ça qu’on fonctionne : en immersion totale pendant une période restreinte. C’est comme une sorte de challenge. Sur plein d’aspects.
Keroué : Cela nous force à être bons dans un laps de temps réduit. C’est de la pression saine, on sait de quoi chacun est capable et ça nous oblige à donner le meilleur pour prouver qu’on a notre place dans cette formation. C’est une concurrence positive.
Hunam : Il est certain que le fait qu’on se soit peu vus entre les sessions d’enregistrement a rajouté un ingrédient dans cette sauce qui est la nôtre : la spontanéité. Tu ne réfléchis pas, tu fonces. Nous n’avions jamais réellement le choix, aussi avons fait les choses du mieux possible dans le temps qui nous était donné et il semblerait que nous ne nous soyons pas trop écarté des impératifs que nous nous étions fixés au départ. A savoir quantité et qualité (sans non plus exagérer)
Vidji : De toute façon tu nous laisserai un mois qu’on ferait quand même tout les 5 derniers jours…
Vidji avait produit une grande partie des beats du premier opus, comment s’est passé la sélection des instrus de Variations ?
Vidji : On est tous assez exigeants sur les prods, ce qui fait qu’on ne pouvait pas bosser exclusivement avec un seul gars. J’en ai moi-même proposé pas mal, dont 4 ou 5 ont été retenues… s’en est suivie une longue écoute de toutes les pistes que les super-beatmakers que nous connaissions (Kyo Itachi, Jibbz, Fef, Rezo, Noxious, Dj Lo, Goomar …) nous avaient envoyées. Sinon des fois c’était Heskis qui décidait et puis c’est tout.
Heskis : Vive moi !
On se réunit, on écoute. Si une prod plaît à quatre d’entre nous et que le dernier rechigne, on le tabasse
Hunam :On a écouté un maximum d’instrus de beatmakers différents et… on a gardé les meilleurs (rires). Sinon pour s’accorder, la procédure est la suivante : on se réunit, on écoute. Si une prod plaît à quatre d’entre nous et que le dernier rechigne, on le tabasse et généralement il change d’avis.
Keroué On s’est de nouveau basé sur les productions de Vidji, celles qu’il avait sous le coude. C’était notre point de départ. On a dû agrémenter la sélection avec d’autres producteurs pour ajouter des ambiances et renouveler le délire. On a réussi à tomber d’accord très rapidement, sur les thèmes, et les choix de prods. S’il y avait des discordes, on laissait les autres rapper, et on se rattrapait sur un morceau qui nous plaisait plus. Il n’y a jamais vraiment eu d’obligation ni de frustration.
Le travail de mixage et de production a pris énormément de temps.. Vidji, vue la dimension perfectionniste avec laquelle tu t’occupes du mixage, qu’est ce que tu recherche par rapport au projet final : une couleur, une atmosphère globale par rapport au mix ?
Vidji : Je n’ai pas de méthode, je cherche à me rapprocher au mieux du résultat qui est dans ma tête.. Souvent l’atmosphère du mix est suggérée par d’autres éléments, le texte, les détails de la prod… le défi c’est d’être cohérent et inventif. Je peux passer de 4h à plusieurs semaines de mix pour un seul son si jamais je ne suis pas satisfait. Dans 5 Majeur, il y a un côté « performance », t’as intérêt a concoter la sauce qui va lier tous les ingrédients, parce que sinon c’est presque trop calorique.