Bientôt, un million d’espèces animales et végétales risquent de disparaître de la surface de la Terre ou du fond des océans. « Une espèce sur huit », telle est la conclusion frappante, aux saveurs de fin du monde, énoncée lundi par une organisation de l’ONU, intergouvernementale, scientifique et politique, l’IPBES.
Ça valait bien un coup de fil à Katia Roesch, chargée de programme sur les thématiques agriculture paysanne, ressources naturelles et changements climatiques pour l’ONG AVSF, Agronomes et vétérinaires sans frontière.
Katia Roesch, qu’est ce qui vous frappe dans le rapport de l’IPBES ?
Ce qui frappe, évidemment, c’est l’ampleur des dégâts et du phénomène qui est en cours. L’urgence d’action est vraiment très claire dans ce rapport. Déjà au niveau de l’agrobiodiversité, qui est l’une des composantes de la biodiversité. La situation de disparition était déjà connue et rapide, mais cette vision encore plus globale de l’état de la biodiversité effraie.
Il y a des idées que vous défendez depuis longtemps dans ce rapport, comme la nécessité d’impliquer les populations autochtones et de prendre en compte leur savoir-faire. La réponse à l’effondrement de la diversité serait dans le savoir ancestral ?
Il y a des réponses dans le savoir ancestral et dans les avancées scientifiques et techniques. Ce qui est intéressant, c’est la combinaison des deux. Quand on travaille sur la transition agroécologique des systèmes agricoles, on essaie de valoriser toutes ces composantes-là. Les paysans, qui travaillent dans des pays où les conditions économiques et géographiques sont difficiles, ont développé depuis des millénaires des savoir-faire pour s’adapter à des milieux très difficiles. On ne peut pas ne pas tenir compte de ces connaissances-là.
L’agriculture industrielle est l’un des facteurs de la catastrophe… Quelles sont les solutions que vous mettez en place, dans le cadre des actions de l’ONG ?
On travaille sur la transition agroécologique, un système qui permet de valoriser au maximum les processus et les régulations naturelles : créer des synergies biologiques qui soient bénéfiques entres les composantes de l’agroécosystème. De manière concrète, c’est un ensemble de pratiques qui s’appuient sur ces expériences et ces savoir-faire ancestraux des paysans, combinés avec les avancées scientifiques, dans lesquelles on essaie de valoriser cette agrobiodiversité.
Pourquoi c’est important d’avoir des variétés locales, des variétés multiples ou encore 36 sortes de melons ?
C’est l’existence de cette diversité de ressources qui permet au système de retrouver l’équilibre. Le rapport montre qu’on est en déséquilibre total. Il faut essayer de retrouver cet équilibre, en revalorisant des variétés qui sont encore là et qui savent s’adapter à des systèmes locaux. C’est tout ce travail-là qu’on fait avec AVSF.
Quelle est selon vous l’urgence absolue, l’attitude à adopter collectivement ?
Il faut repenser nos modes de consommation. C’est le consommateur qui peut aussi guider les choix de production : essayer de retrouver de la qualité, repenser aux quantités qu’on consomme et à l’origine des produits. De manière plus globale, c’est repenser les systèmes alimentaires. On ne peut plus continuer de consommer comme on consomme actuellement. Il faut aussi des politiques publiques qui soutiennent cette transition agroécologique et ces système alimentaires locaux.
Le Today’s Special d’Armel Hemme, c’est du lundi au vendredi à 9h30 dans la Grasse Matinale.
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