Pour une fois qu’on ne critique pas la collecte de données.
Trump ne s’en était pas caché. Pendant toute sa campagne, il a déclaré vouloir se débarrasser de l’EPA (l’Agence de protection de l’environnement, équivalent du ministère de l’écologie). Créée en 1970 pour préserver “la santé humaine et l’environnement”, elle est aujourd’hui dirigée par Scott Pruitt, procureur général de l’Oklahoma et climato-sceptique notoire.
Rien d’étonnant en ce qui concerne les motivations de Donald pour qui, on le rappelle, le réchauffement climatique est “un canular inventé par les chinois pour rendre l’industrie américaine non-compétitive”. Et certains ont cru, pendant un certain temps entre l’élection et l’investiture, que tout allait s’arranger. Mais à peine Trump avait-il mis un pied à la Maison-Blanche que des études climatiques (notamment) ont commencé à disparaître des sites officiels américains. Comme le notait Business Insider, le plan d’action pour le climat avait disparu (avant d’être remis en ligne) du site du département d’État dédié à l’énergie.
(Capture d’écran Business Insider)
DataRefuge
Il n’en fallait pas plus pour que la société civile américaine s’organise en réponse à la menace que représente la disparition de ces données. Notamment parce que, comme on le notait sur la radio PRI, la plupart des chercheurs dans le monde s’appuient sur les recherches américaines pour baser leurs propres études. Une résistance en ligne s’est donc mise en place, via plusieurs projets d’archivage, notamment celui qui porte le nom de DataRefuge (littéralement, refuge pour les données).
En première ligne, les Canadiens, plus particulièrement l’Université de Toronto. Et pour cause, de l’autre côté de la frontière, on connaît bien ce phénomène. Sous le gouvernement Harper (le prédécesseur de Justin Trudeau), certaines données climatiques avaient également disparu. Des bibliothèques entières avaient été vidées. On avait prétexté un usage inutile de l’argent public pour les entretenir. Des documents qui n’avaient jamais été numérisés avaient donc été détruits, et perdus à jamais.
“Des librairies et des archives ont été détruites. Les scientifiques ont été muselés. Pour obtenir leurs données, il fallait faire une demande officielle , et on recevait souvent un texte modifié, si on le recevait. C’était une époque brutale”, explique Michelle Murphy, une chercheuse canadienne sur PRI.
Hackathon et Guerrilla Archiving
En réaction, Michelle Murphy a, dès le mois de décembre 2016, organisé un hackathon (un marathon de hacking) à l’Université de Toronto. Plus d’une centaine de personnes se sont réunies au sein de l’Université pour copier les données publiques sur le site de l’EPA. Étudiants et enseignants se sont mués en hackers improvisés pour ce “guerrilla archiving”.
Ces événements se sont ensuite multipliés, élargissant leur champ d’action. Comme le rapportait récemment Wired, environ 200 personnes ont hacké et sauvegardé les donnés scientifiques de la NASA le 12 février dernier. Tombant parfois sur des pages dont les données avaient déjà été supprimées.
“Le changement climatique n’est que la partie émergée de l’iceberg”, faisait remarquer l’anthropologue Eric Kansa à Wired. “Les données de recherches culturelles, historiques et sociologiques sont elles aussi menacées”.
La situation inquiète dans le monde entier, si bien que des citoyens de nombreux pays se sont portés volontaires pour donner un coup de main. Jonathan Schmitt, étudiant en Cultures arabes en Allemagne, racontait à PRI avoir téléchargé environ un gigabit d’images satellite provenant du site de NOAA, l’entité de recherche océanique et atmosphérique américaine.”C’est comme si je stockais les affaires de quelqu’un dans ma cave, parce qu’il n’a pas assez de place ou ne se sent pas assez en sécurité chez lui”, explique-t-il.
“La situation est si menaçante que même les faits quittent les États-Unis”, faisait remarquer un chercheur. En attendant, on ne voit pas pourquoi tout le monde s’inquiète. Ces faits seront sans doute bien vite remplacés par les alternative facts, dont la galaxie Trump semble raffoler. Pas de panique.