En jetant un petit coup d’œil sur le classement des titres les plus écoutés sur Spotify cet été, on remarque à la deuxième place le morceau de Kate Bush – “Running Up That Hill (A Deal With God)” – remis au goût du jour grâce à la série Stranger Things. Ce qui nous ouvre une question, comment les musiques qui animent nos séries sont choisies ? Et puis comment les plateformes de streaming et leurs catalogues avantages les artistes musicaux ?
Question de synchro
Pour commencer, il faut rappeler que quand on est synchronisateur (métier qui consiste à associer des morceaux avec des programmes vidéos), familièrement “syncro”, sync en anglais, les négociations entre artistes et clients peuvent prendre des mois. Il n’y a pas de prix fixes et c’est presque à la tête du client.
Si le client est une multinationale, on sait qu’ils ont des moyens, donc les prix grimpent. Dans le cadre d’une série, ou d’un film, il faut que le scénario et la scène plaisent à l’artiste ou à son équipe.
Dans le cas de Kate Bush et Stranger Things, on est sur deux ans de négociations. La chanteuse britannique est très précautionneuse sur les deals de syncro. “A Deal With God” fait partie du catalogue de la Warner qui a plusieurs systèmes de sélection de titres, dont Colour Cues, mentionné dans un entretien avec Tim Miles (vice-président de la syncro Warner Europe), relayé par Rolling Stone.
Développé par le service synchro de Warner Music UK, Colour Cues fonctionne comme une sorte d’échantillonneur pantone. On a devant les yeux une palette de couleurs auquel on associe un mood ou une ambiance.
Un entretien avec Leila Khelafi, responsable du service synchronisation de Warner Music France, nous permet de comprendre un peu mieux son métier et le principe du Colour Cues. Leila Khelafi commence par nous explique que Colour Cues “avaient été basées sur des études où certaines couleurs renvoient à certaines émotions.”
Prenons un petit exemple. On peut associer le vert au “commencement”, le bleu au “calme”, à la “réfection” ou au “courage” et le rouge à “l’action” ou à “l’aventure”. Quand on sélectionne une couleur/ambiance, Warner nous propose une playlist de morceaux issus de son catalogue, dans cette catégorie.
Bien sûr, ce n’est pas la seule méthode. À vrai dire, Leila Khelafi précise que Color Cues relève plus d’une classification interne que d’un réel programme à destination de ses clients. Les accords de synchros (proposer une musique à un contenu vidéo) restent très variables et cela peut prendre des semaines comme des mois selon la musique voulue et le budget du client.
L’essor des plateformes de streaming et la multiplication des catalogues de films et séries sont des nouvelles données qui peuvent jouent sur le succès et la longévité des morceaux.
Les plateformes de streaming au service des artistes
Avec le streaming qui prend de plus en plus de place sur le marché de la vidéo, les compteurs explosent. Cela permet de “démultiplier les canaux pour un artiste, pour se faire connaître, et ce n’est plus uniquement lié au passage en radio” nous explique Leila Khelafi.
Les plateformes ajoutent des nouvelles temporalités d’exposition pour l’artiste, ce qui lui permet de faire entendre son travail : une première à la sortie de son titre, une seconde à la sortie au cinéma du film auquel il est associé et une dernière lors de la sortie sur les plateformes de streaming vidéo. “Là, par exemple, on a un titre de Shurik’n qui est dans La Vie Scolaire, qui est très bien mis en avant. Depuis que le film est disponible sur Netflix, il est remonté dans tous les tops Shazam, et encore plus que lorsque le film était juste diffusé au cinéma.”
L’arrivée sur les plateformes de streaming vidéo permet également une exposition plus large, dans d’autres pays et donc d’autres audiences. Aya Nakamura en a notamment profité avec la synchro de son tube “Djadja” dans la série dramatique espagnole Elite, ce qui lui a valu d’être certifiée 4 fois platine en Espagne.
Leila Khelafi nous raconte ceci sur la négociation avec les producteurs de la série dramatique espagnole : “Ils ont vraiment adoré le titre, ils l’ont mis dans Elite et ça a explosé dans tous les pays latino. C’était un super canal parce qu’il n’y a pas de quotas (ndlr. de place pour un titre français en radio) en Espagne ou en Argentine. Grâce à cette série, il y a eu des coups de projecteurs sur certains titres en Amérique du Sud et en Espagne.”
Le streaming, et plus largement le marché des séries, permet à des morceaux de rencontrer de nouvelles générations de public comme Kate Bush (on pourrait également citer aussi Metallica qui figure dans la même série) ou d’aller chercher de nouveaux territoires comme l’a fait Aya Nakamura avec la série espagnole Elite. On se doute qu’on a pas fini d’entendre de la musique dans nos séries et dans nos films
ce qui nous permet de découvrir de très bons morceaux…
Un texte issu de C’est Bola vie, la chronique hebdomadaire (lundi au vendredi, 8h45) de David Bola dans Un Nova jour se lève.