« Cinéaste, il n’a vécu que pour faire des films. Toujours un de plus, envers et contre toutes les circonstances ». Une profession de foi sacerdotale qu’il confessait à l’article de sa disparition, survenue en 2004, alors qu’il travaillait, cloué dans un fauteuil depuis un accident de train, sur Jour après jour. Franc-tireur d’une Nouvelle Vague sur laquelle il n’a jamais surfé, laissant à ses condisciples Godard, Truffaut, Rivette le soin d’incarner cette Qualité Française new look, Jean-Daniel Pollet fait l’objet d’une rétrospective aussi fournie que fouillée, à l’instigation de Monoquini, grands enlumineurs des recoins et des contre-allées du septième art, venant ici au soutien de la Cinémathèque Française tels Antoine Dupont relayant la percée décisive de son troisième-ligne pour marquer sous les poteaux.
Deux semaines d’une monographie qui prend le nom de « Méditerranées », en référence à son long-métrage de 1963, Méditerranée, poème filmique d’une beauté lumineuse réalisé aux côtés de Volker Schlöndorff, avec le renfort de l’écrivain Philippe Sollers et du musicien Antoine Duhamel.
Mais « Méditerranées » avec un « s » terminal, pour mieux rendre compte de la diversité des lignes de force et des horizons sensibles qui se dessinent dans la filmographie de Jean-Daniel Pollet. Car si le Nordiste s’est largement dédié à l’expérimentation poétique, aux essais de formes, à l’insinuation méditative par l’image, son oeuvre est également émaillée d’une flopée de fictions « réalistes », de comédies burlesques. Avec, pour héros lunaire et désarçonnant, son acteur fétiche Claude Melki, le « Buster Keaton du Sentier », protagoniste de sa première prise de caméra, Pourvu qu’on ait l’ivresse… (1958), comme de L’Acrobate presque vingt ans plus tard, au rythme du tango. « Avec Jean-Daniel Pollet, se souvient Gilbert Melki (neveu de Claude), ils étaient sur la même planète, la même longueur d’onde, en marge, hors du temps. »
Un rapport distendu au flux fou du temps qui se manifeste sans filtre dans l’amour de Pollet pour la Grèce, ce berceau fantasmé d’une civilisation occidentale irénique, qui offre le versant le plus expérimental et abstrait de son cinéma. Nourris de littérature (Ponge, Kazantzakis, la revue Tel Quel), de lumière solaire, de ruines marmoréennes, ses films-essais ouvrent des bulles de réflexion sensible, de méditation philosophique sur l’être au monde, la mémoire, l'(im)permanence des choses.
C’est donc à la rencontre d’un cinéaste méconnu, au regard libre, exigeant, élégant, élaboré, mais qui jamais ne se forclos dans une vanité stérile, que Monoquini vous enjoint d’aiguiser votre curiosité, en disséminant ses multiples projections, séances et rencontres (avec des spécialistes du bonhomme et de son travail), dans divers fiefs bordelais (indiqués ci-dessous). Et puis, Méditerranées à un ricochet de l’Atlantique, voilà, entre deux films, un entre-deux-mers qui ne manque pas de sel.