Le plus surréaliste des peintres avait cent idées à la minute
Salvador Dali, c’est tout simplement le plus connu des peintres surréalistes.
A la fois Dandy, people, jet set, acteur, gravure de mode, personnage scandaleux, spectaculaire ou publicitaire, ce fils de notaire de Figueras aura eu tous les culots et (presque) toutes les idées de l’art moderne.
Il s’est frotté à la pub, à la mode, au cinéma, à la critique d’art, à la science, tout en tenant tête aux pontes de l’époque comme Picasso, Breton, Aragon…
Aucune exagération, scandale ou bousculade ne lui faisait peur..
Dali est apparu en roi, couronné d’or, avec cape doublée d’hermine et guépards en laisse, mais aussi en scaphandrier ou en cow-boy…
En plus de l’art, tous les domaines l’intéressaient, y compris la nourriture, la religion catholique, l’atome, le sexe, l’hyperréalisme… et surtout le cinéma, comme paradoxe du peintre, comme reflet fantomatique et qu’il voulait libérer de la logique abêtissante et du marketing avilissant.
Le cinéma spectral, comme un double inversé de la réalité.
Dali fut le dernier grand peintre à être capable de travailler comme Raphael ou Botticelli, avec précision, finesse, modelé et lumière diaphane, et grande composition audacieuse, finalement assez Pop, et déjà hyperréaliste ! Il se vantait d’ailleurs de son œil photographique !!
Après avoir posé les bases de son art – de grands paysages désertiques, comme son environnement de Cadaques, il a su les peupler de girafes en feu, de montres molles, de personnages à tiroirs, puis de toutes sortes de formes et de créatures oniriques et sensuelles, provoquant chez les spectateurs effroi et curiosité.
Son œil si exact, sa main surdouée et son esprit perçant, à la fois inspiré et analytique, ont donné des images théâtrales, plus fortes que les films à grand spectacle. En haute définition.
Les films avec Bunuel restent des classiques indépassables, toujours aussi déroutants, comme ce chien andalou et son influence dans l’âge d’or…
Hollywood l’a longuement courtisé (les Marx Brothers, Walt Disney, Hitchcock…!) ainsi que tous les grands réalisateurs et acteurs, mais ce qui est incroyable, c’est que les plus grands producteurs (Samuel Goldwyn, Jack Warner…) n’ont pas réussi à suivre Dali jusqu’au bout !
Le grand décorateur Menzies a renoncé à terminer ses décors entiers avec des piano volants : too much pour les américains ; Hitchcock (ci-dessous) – qui partageait son goût pour la psychanalyse sauvage et les hallucinations – a également utilisé le maestro dans La maison du docteur Edwards ( Spellbound) et enfin, Disney n’a réalisé qu’une copie du maitre en dessin animé de dix minutes intitulée Destino – le mélange Dali / Disney est pour le moins curieux. Son projet dalinien « Babaouo » dont le script date de 1934, ne va sortir que maintenant !!! (fâché avec Bunuel, pour raisons politiques, le projet avait capoté).
Mais ça n’est pas tout : le sauveur a eu des idées de vêtements et accessoires pour Elsa Schiaparelli et Gabrielle Chanel ou encore des décors pour les ballets russes… il a même fait une pub dans les années soixante pour du chocolat avec sa vraie voix – sa tête était un masque-robot animé (droïde) que l’on croyait vrai !
Il détestait l’art moderne et abstrait qu’il considérait comme un cul-de-sac désastreux et voulait faire un film critique, intitulé « Chaos et création ».
Ses moustaches en cornes lui venait de Velasquez, tel qu’il apparait dans un miroir, sur le tableau « Les Ménines » : un hommage au maitre, qu’il ne cessa d’encenser dans ses écrits.
Avec sa méthode « paranoïaque critique » (qui influença Lacan), Dali fut finalement plus lucide que bien d’autres artistes, et ses écrits sur l’art, ses titres d’oeuvres et ses slogans sont restés largement en avance sur leur époque.
Des cornes de rhinocéros phalliques en suspension autour de la croupe de sa femme et muse Gala (bien plus frappant que l’invisible « mariée nue au célibataires » de Marcel Duchamp) jusqu’à son autre muse pop : Amanda Lear (!!!) qu’il appréciait pour son visage de tête de mort, en passant par sa maison de Port Lligat – Cabo Creus, ponctuée d’œufs géants en plâtre, et jusqu’à son musée-mausolée de Figueras, on ne voit pas ce que cet homme-comète ne s’est pas autorisé à accomplir.
Ses toiles ont illustré sa vie et ses théories, jusqu’à la fusion entre la science (nucléaire) et la religion, où l’on voit des atomes bulles ou des particules en suspension, ou même des « pixels » géants, tant il s’intéressait la perception et à sa traduction picturale artificielle.
Son sens du spectacle, ses compositions dans l’espace, sa façon se saisir la réalité, mais aussi les évènements, et puis cette ambition de tout réunir : sensualité, obsession, découvertes, actualités, technique , font de lui un aristé complet , un peu comme Leonard de Vinci ..
( il voulait faire des films avec tablette tactile pour que chaque spectateur puisse toucher les matières, la peau .. !!! Mais aussi des scènes à grand spectacle avec des dizaines de gitans massacrant des éléphants en plein Madrid ou des centaines de curés à vélo place de la Concorde .)
Il nous enseigne un monde complet et complexe ou tout change tout le temps, Dali montre les métamorphoses, les doubles, les reflets, les échos du monde sous tous les angles : visuels , morphologiques et psychologiques ! (d’ou ses espoir dans le cinéma qui permet tout ..)
Ses peintures à plusieurs angles, ses anamorphoses, ses mélanges de personnages, animaux et décors, qui créent d’autres images superposées ( double lecture), ses visions et déformations préfigurent incroyablement le LSD et dépassent largement la peinture psychédélique à laquelle il donne une dimension cosmique .
Il a jonglé avec tous les domaines possibles, y compris les médias qu’il n’a cessé de mystifier, lui qui croyait au double, aux effets miroirs, aux demultiplications , il a semé en plaisantant tous ses poursuivants, détracteurs ou admirateurs …
Pas une star qui n’ait fait de projet avec lui : Marx Brothers, Charles Laughton, Anna Magnani, Gregory Peck, Ingrid Bergman Garcia Lorca, Bette Davis, Elvis Presley , Andy Warhol, Jonas Mekas … etc.
Comme un torero, il a cherché le danger, et esquivé les attaques , même celle de son anagramme « Avida dollars », dont il fit une emblème , il est devenu marquis de Pubol , s’est même payé le luxe de laisser derrière lui des « faux » autorisés par lui et des mystères non résolus ..
*** DALI ET LE CINEMA . Editions G3J ( en collaboration avec le museum of modern art . New York) Album de 250 pages , avec nombreuses photos inédites . Préface de Catherine Millet .
+Exposition rétrospective centre Pompidou jusqu’au 25 mars 2013 .
avec le Museo Reina Sofia de Madrid..
( allez voir un virtuose en images et des dizaines de toiles de collections privées, des objets et des films que personne n’a jamais vu , allez au moins sur le site centre Pompidou et DALI …sidérant !!!)
Plusieurs autres livres et expositions de gravures, dessins eaux fortes sortent à Paris et ailleurs.