Auteur d’une stupéfiante adaptation BD de « Notre-Dame de Paris », ce dessinateur franco-écossais nous bénit d’un chapelet de propositions pour faire du futur une cathédrale des sens.
« – Chacun à son tour va passer sa tête par un trou et fait une grimace aux autres. Celui qui fait la plus laide à l’acclamation de tous est élu pape. » A-t-on enfin trouvé la solution pour organiser le second tour des municipales ? Dans Notre-Dame de Paris, la « fête des fous » dessine le contraire d’un conclave : une élection à ciel ouvert, les candidats debout sur deux tonneaux, un kaléidoscope de visages tordus, gras de langues pantelantes et regards louches, fort de cette foule effervescente de « manants » qu’Homère eût pris « pour des dieux » s’il avait pu voir « cet idéal de grotesque construit dans les imaginations exaltées par l’orgie ».
Soudain, la « merveilleuse grimace » du bossu Quasimodo, « géant brisé, mal ressoudé », lui vaut d’être élu – lui le borgne, lui le bancal – pape des fous, à l’unanimité des suffrages. Une procession hurlante et déguenillée se met en marche. En retrait, un écrivain morose et sans le sou, Pierre Gringoire, se promet de « lutter jusqu’à la fin » pour ramener ses compatriotes à la raison, car « le pouvoir de la poésie est grand sur le peuple ».
En larmes depuis les fenêtres de son atelier, témoin bouleversé de l’incendie qui ravagea la cathédrale en avril 2019, Damien MacDonald s’est attelé à l’adaptation BD du chef-d’oeuvre de Victor Hugo, « au plus près » des intentions de l’auteur, sans réécrire ce texte qu’il juge encore, deux siècles après sa parution, « inouï ». Sur plus de 330 pages en noir et blanc réalisées à l’encre de Chine et publiées cette semaine aux éditions Calmann-Lévy, cet auteur-dessinateur franco-écossais, dont le trait clair et le goût pour l’organique et les mythologies peuvent s’apparenter à Moebius, reste fidèle aux mots du maître tout en laissant libre cours à sa fantaisie surréaliste et sensuelle, qui s’échappe des tours comme de la gorge des gargouilles.
Sur le pont de notre Arche, l’artiste gourmand du Jardin des délices (500 dessins pour les 500 ans de Jérôme Bosch, 2017) nous bénit donc d’un chapelet de propositions pour faire du futur une cathédrale des sens, parmi lesquelles : deux fois moins de viande à la cantine ; des cours de cybernétique pour enfants afin de ne laisser obéir aux machines ; le LSD, la mescaline et l’opium autorisés pour les plus de 70 ans ; une web-télé bizotesque où se couper la parole serait interdit ; la possibilité de voter pour Rimbaud ; ou encore, forcer tous ceux qui nient les dérèglements climatiques à sniffer les cendres des koalas brûlés lors des terribles incendies d’Australie. Faisons flèche de tout cela.
Pour se familiariser avec l’univers de l’artiste, c’est ici.
Visuel © Notre-Dame de Paris, par Damien MacDonald (éditions Calmann-Lévy, 2020).