Quand la scansion a remplacé la mélodie.
On ne saura jamais vraiment comment s’est opéré cette cassure radicale dans la musique jamaïcaine : passer des mélodies Reggae au son haché et aux paroles scandées des DJ.
Tout était déjà là, dès les années 60, avec des toasters comme King Stitt, et des Sound Systems permettant aux MC de parler en rythme comme les animateurs radio, avec les Dub Plates (pressage vinyle pour garder des lignes de basse, de chant, ou toute autre piste enregistrée…) pour enchainer ou doubler des fonds sonores.
Du reggae au dancehall
En dehors des stars du Reggae comme Marley, véritables rockers, créant des mélodies accompagnées de guitares, choeurs et percussions, se développait toute une génération de deejays scandeurs, improvisant dans les Sounds : le style Dancehall.
Dillinger, Yellowman et tant d’autres devinrent ces animateurs parleurs qui, avec des cris et des expressions, des phrases enchainées en flux ou répétées en rythme, créèrent ce nouveau genre qui va avoir bien des noms, de Rub a Dub, Ragga, Slackness, Weird… l’expression populaire des dancings, avec paroles ironiques ou violentes.
Et dès la fin des années 70, ce style s’imposa avec force, les deejays se multiplièrent à l’infini, chacun apportant sa touche au rythme lancinant, son « flow » de paroles , d’onomatopées et d’expressions pour initiés. Ainsi naquirent des toasteurs humoristiques, d’autres plus menaçants, mais tous étirant, raccourcissant ou coupant les mots et phrases à leur fantaisie, recréant un nouveau langage.
Tous les producteurs jamaïcains se ruèrent sur cette manne où chacun pouvait devenir star sur des fonds musicaux électroniques, minimalistes, empruntés, dubés ou rejoués avec boîte à rythmes et samples.
Et tout le Rap américain (et mondial) s’engouffra dans cette brèche Punk de slogans répétés, enchainés en rimes ou scandés par des voix très différentes, en boucles, en bégaiements ou accélérations. On entendit des messages de toute sorte, laissés à la fantaisie et à la créativité de « tchatcheurs » plus ou moins doués et mélodiques.
Le reggae, mais en dur
Mais bien sûr, il s’agit d’un durcissement de l’esprit pur et roots Reggae : plus urbain, agressif, cynique et même violent, le genre d’attitude dans les gros sound systems ont lancé le Gangsta Rap et les slogans machos (à la Shabba Ranks), pour le meilleur et le pire !
Bref, le style « Dancehall » conquit la planète et devint la norme de productions innombrables. En Jamaïque, des danses spéciales jaillirent, en « papillon » (butterfly), à quatre pattes ou en faisant le pont arrière, des toupies sur la tête, le futur « Breakdance » mondial !
Soul Jazz Records enfonce ce clou avec un double CD, principalement de ces années 80, avec les stars du genre : labels, producteurs, arrangeurs et Deejays : 22 artistes réunis.
La naissance de l’explosive culture Dancehall, pour toute la planète.
Dancehall. The Rise of Jamaican Dancehall Culture. 22 titres sur deux CD. Avec Yellowman, Tenor saw, Reggie Stepper, Chaka Demus and Plyers, Pinchers, Michigan and Smiley, Ini Kamoze, Junior Murvin, General Echo, Cornell Campbell, Cutty Ranks, Super cat, Gregory Isaacs, Jacob Miller, Eek a Mouse, Sister Nancy, Trinity, Cornell Campbell, Horace Ferguson, Clint Eastwood (avec livret illustré : 24 pages de notes sur ces musiciens, textes de Steve Barrow, photos de Beth Lesser).
Soul Jazz sort également un album, texte et photos sur ce sujet : The Rise of Jamaican Dancehall Culture, de Beth Lesser.
Visuel : (c) Soul Jazz Records