Quand la Nature se retrouve soumise à la nôtre.
Il y a des lundi matins comme ça, où l’on est transis par l’envie de s’engager. Parfois on a envie de parler politique, société ou religion. Et parfois non ; ce sont alors des combats plus modestes qui attirent notre attention. Aujourd’hui est un de ces jours – car encore marquées par les longues après-midi passées en famille, où convivialité rime avec tévé, nous avons décidé de parler des documentaires animaliers.
Contrairement à ce que l’on pense de lui, ce champion télévisuel des digestions de l’après midi et des insomnies de deuxième partie de soirée, n’est pas libre. Sous ses airs de grand libertaire, indifférent aux mouvances abrutissantes du paf, il est en vérité soumis aux mêmes pressions que son parent riche le cinéma et que son frère ennemi, l’émission de télé.
Car il lui faut attirer son public de niche, il lui faut assurer des scènes de prédation, des scènes de rut, ses cruautés animales s’il veut garder les créneaux savoureux du 11h-midi ou du 3h-4h du matin. Des larmes, de la violence, de l’intrigue que diable ! Vache, le petit écran est une jungle : l’homme y est un loup pour l’homme, il faut avoir les dents longues, une vue de lynx, et se comporter comme un requin pour croquer ses parts d’audience.
On a pigé le truc de la métaphore à poil et à écaille, n’y voyez rien d’indécent : c’est la nature.
Le doc animalier d’aujourd’hui doit donc séduire : on est franchement pas loin de l’anthropomorphisme et à ça du lol cat. On a même appris, canibal holocaust de la faune, que la BBC truquait ses pourtant très réputées productions, allant jusqu’à user de la reconstitution en zoo, ambiance médiévale de provin avec plus de poils.
Voilà comment par exemple, pour le bon goût de son spectateur, ce documentaire est à deux doigts de l’incitation à la débauche, contraignant deux ours à incarner le moment câlin tant attendu.
Le documentaire animalier ne symbolise donc plus l’humilité de l’homme face à la nature, mais la manipulation de celle-ci en fonction de nos goûts, de nos humeurs et de nos attentes. Rien de moins naturel donc que cette nature aseptisée.
Ajoutons à cela un certain sexisme dans le choix des voix off, la part sauvage étant réservée à l’homme et les instants touchants sublimés par une voix féminine maternante et douce, et l’on est définitivement déçus – car l’échappée sauvage que l’on nous promettait est en vérité un moyen de nous conforter dans ce que nous sommes déjà.
Retournez donc à La griffe et la dent de François bel, ou arrêtez de regarder la télé l’après-midi.