Des albums, il en sort désormais 2520 par semaine (chiffre approximatif). Pour vous aider à faire le tri, voici la sélection hebdo de Radio Nova des albums à ne pas louper.
CHATON, LE GESTE
Depuis plusieurs années, « Au bord de la faillite », CHATON « continue d’écrire des poésies ». Certaines sentent les tendresses éternelles, d’autres les rancœurs rances, d’autres encore la volonté, globalement, de s’en foutre. Des poésies pour se soigner, pour vivre mieux et faire sortir ailleurs ce qui gamberge trop longtemps dans la tête. Des chants qui hurlent l’indépendance et l’ambition de le demeurer aussi longtemps que possible. CHATON chante des douceurs franches, mièvres et fiévreuses en français sur des productions dub et reggae alors, forcément, il clive. Peu importe pour Max « Blundetto » (ancien programmateur de Nova, big up), qui aime les marges : notre ami producteur et musicien accompagne CHATON dans un album d’une authenticité toujours aussi extrême, pleine de morceaux calibrés pour le spleen.
Broken Bells, Into the blue
Chez Broken Bells (James Mercer de The Shins et Brian Burton aka Danger Mouse), les hommages fusent, et sont divers. Pêle-mêle : Beatles, Pink Floyd, le psychédélisme des sixties, la radio AM Gold des seventies, la new wave des eighites, le trip-hop des nineties, l’acid house de Manchester… un cours sur l’histoire de la musique de la fin du siècle dernier sur un disque construit façon musée d’art moderne. Le tout sonne pop, pioche partout (samples à l’appel), et se nomme Broken Bells, soit les « cloches cassées ». On parlerait plutôt ici de cathédrales déstructurées, mais c’est simplement pour ajouter un peu d’emphase à un projet qui n’en manque pourtant pas.
Easy Life, Maybe in another life
L’année passée, l’album life’s a beach était un carton en Angleterre, où Easy Life, ce groupe de Leicester (plein centre de l’Angleterre) atteignait des records d’audience, en devenant notamment numéro 2 des écoutes. Et puis, boum. Pandémie. Blocage des tournées à cause du Brexit, des restrictions sanitaires, des salles frileuses qui n’ont pas tout de suite eu la possibilité de regrouper 20 000 personnes dans 20 000 m². Coup de mou. La vie n’est plus aussi belle qu’une plage (ou que n’importe quel endroit où il fait bon de chiller, les pieds en éventails, le sourire pleine dent et la peau qui se colore doucement). Maybe in another life, pour Easy Life, est une transition entre les rêves éblouis d’une jeunesse hédoniste et les réalités nouvelles d’un monde qui a peur de son ombre et de l’impact carbone qu’il laissera derrière lui. Sur Nova, vous avez entendu un paquet de fois le morceau « OTT ». Plongez la tête la première dans le second album de ce phénomène indie pop outre-Manche. Et réfléchissons ensemble sur la possibilité des vies alternatives.
Nnamdi, Please Have A Seat
Alternative ? Nous sommes au bon endroit, ici encore, avec la nouvelle production discographique de NNAMDÏ, rappeur, auteur et compositeur touche-à-tout de Chicago qui, depuis ses débuts en 2013, a touché au rap, au punk (l’étonnant EP Black Plight), à la formulation d’un album, BRAT, qui partait dans tous les sens, mais pouvait se résumer à une idée : NNAMDÏ veut essayer beaucoup de choses et en réussit la plupart. Un projet hommage à Carl W. Stalling, le compositeur des Looney Tunes (WTF ?), et désormais, un nouveau disque censé représenter une pause dans la carrière d’un artiste qui assure de ne pas avoir suffisamment, ces dernières années, pris le temps de se poser pour réfléchir au sens qu’il souhaitait donner aux choses. NNAMDÏ est donc ce genre de mec : lorsqu’il se pose pour faire le point et contester l’idée de la sur-production, eh bien… il compose un disque. Celui-ci se nomme Please Have a Seat (forcément) et devinez quoi ? Il part dans tous les sens. C’est sa beauté, c’est son truc à lui, écoutez tout, mais en priorité le très beau « Armoire » ou « I Don’t Wanna Be Famous », déjà entendu sur cette antenne.
Say She She, Prism
Allez, changement de registre. Direction Brooklyn, les hommages aux idées « discodéliques » et au groove d’un certain Nile Rodgers pour Say She She, un trio qui gravite, depuis quelques années, autour des Dapkings, d’Antibalas, de Chico Mann bref, de tous ceux qui savent, au XXIe siècle, convoquer les esprits du disco chic et sensuel qui n’ont pas pris une ride et savent encore faire rougir de joie les nostalgiques, les nouveaux, l’entre-deux. Fait chaud d’un coup, non ?
Daphni, Cherry
Il fait chaud, oui. Et ce n’est pas en changeant de salles et en vous rendant dans celle actuellement occupée par le set de Daphni que votre chaleur corporelle risque de s’abaisser. Le projet club de Daniel V. Snaith, qui office aussi sous le nom de Caribou (et ex Manitoba, pour être complet) tape là où il sait taper : sur le bouton house, techno, disco, hyperpop. Attention, danger car beaucoup, beaucoup de montées sur ce disque fait pour les clubs et ceux qui aiment se sentir toute la journée en club : « Cherry », « Always There », « Take two », « Clavicle », « Cloudy »… Il faudra bien redescendre un jour et plus dure sera la chute ? Vous avez de l’expérience sur le sujet : restez tout en haut, dans ce cas.
Kids Return, Forever Melodies
Des albums, il en sort décidément beaucoup, cette semaine… et beaucoup de très excitants ! Notons donc aussi la sortie du premier long-format du très prometteur duo Kids Return, dont nous avions déjà évoqué ici les morceaux (et les clips !) de « Orange Mountains » et « Lost In Los Angeles ». Le projet se place dans la lignée de ceux de Parcels, de Papooz, de MGMT, de ces groupes qui glissent, dans une valise pop, une crème solaire faite de longues plages épurées, de lignes de basses efficaces, d’orchestrations qui ne sont pas bien loin de celles de François de Roubaix, d’Ennio Morricone voir de la surf-music et ses chœurs enchantés façon Beach Boys. Allez, on se pose. Et on rêve un peu ?
Liraz, Roya
Au moment où la rue, les consciences et les corps se soulèvent en Iran, nous ne pouvions terminer ce classement par un autre album que celui de Liraz, cette chanteuse israélienne qui se reconnecte depuis de nombreuses années avec ses racines persanes, et donc iraniennes. Avec elle : des musiciens d’Israël, d’autres de Téhéran. Sur Roya, toujours portée par un mélange de pop moderne, de funk et de folk perse traditionnel (gros potentiel tube pour « Mimiram »), Liraz chante la solidarité, le pouvoir du rire et de la danse, l’appel aux jours meilleurs. C’est l’optimisme qui règne et celui-ci, contexte géo-politique faisant loi, est plus que jamais nécessaire à un moment où de nouveau, en Iran et dans la région, les peuples luttent pour la possibilité d’un monde plus juste. « Une musique comme un portail magique, une porte arquée vers un lieu de paix, de joie et de liberté sans entrave », lit-on à propos de ce disque. On valide la formule. Et on guette, en Iran, la trajectoire des luttes.