Fidèle aux conseils de la romancière américaine Ursula K. La Guin, cet éditeur parisien nous encourage à rédiger chaque mail, chaque texto, jusqu’au moindre petit mot placardé dans l’ascenseur, avec « art, justesse et élégance ».
« Écrire un roman ressemble à conduire une voiture la nuit. Vous n’y voyez pas grand-chose mais vous pouvez faire toute la route ainsi. » La phrase est de l’écrivain new-yorkais E. L. Doctorow et on la retrouve depuis cet hiver dans un manuel qui entend, à sa manière, éclairer la nuit. Dans Écrire son premier roman en dix minutes par jour, David Meulemans, rigoureux patron des éditions Aux Forges de Vulcain (qui abritent et couvent les œuvres de Luke Rhinekart, Charles Yu, Rivers Solomon ou Gilles Marchand), nous rappelle qu’écrire, « c’est aussi rêver, construire, explorer, essayer, couper, décider » et qu’il convient d’abord d’organiser le temps de l’écriture, avant de laisser libre cours à une forme « d’improvisation » – qui n’est cependant que le début du boulot. L’auteur rappelle ainsi que le premier jet de Sur la route de Kerouac fut écrit en trois semaines, puis retravaillé pendant six ans. Il conseille encore de « partir de sa propre singularité », d’un matériau qui n’appartient qu’à soi, pour ensuite tirer vers l’universel. D’apprendre à « creuser les écarts » entre ce que les personnages disent et ce que les personnages font, entre leur nature profonde et leur attitude quotidienne. De distinguer archétype et stéréotype. De nous interroger, aussi, sur notre rapport au genre : par exemple, suis-je « fidèle, ironique, critique ou comique » avec les codes du roman policier, dans celui que je suis en train de bâtir ?
David Meulemans sait de quoi il parle : non content de recevoir des dizaines et des dizaines de manuscrits chaque mois, cet animateur d’ateliers d’écriture depuis déjà deux décennies, auteur d’une thèse de philosophie sur la créativité artistique, a dû, pour ce livre, traverser lui-même « un long tunnel de procrastination », doutant de sa propre légitimité à mener à bien cet exercice. Grimpant à bord de L’Arche de Nova, il nous offre un tuyau d’écriture supplémentaire, très utile pour muscler sa prose. En suivant les conseils de la romancière américaine Ursula K. Le Guin (1929-2018), l’éditeur nous encourage – depuis Boissy, en Seine-et-Marne – à rédiger chaque mail, chaque texto, jusqu’au moindre petit mot placardé dans l’ascenseur, avec « art, justesse et élégance ». À trouver les paroles qui conviennent en toutes circonstances, à chérir et à soigner notre rapport à l’autre dans n’importe quelle situation textuelle, par le recours à « la beauté », en s’efforçant d’inventer des calligrammes à destination de nos voisins ou des rimes embrassées pour notre banquier. Cap’ ou pas cap’ ?
Réalisation : Mathieu Boudon.
Image : Barton Fink, de Joel & Ethan Coen (1991).