« Les vrais arrangeurs avec partition, crayon et gomme, y’en a quasiment plus. »
Et notre focus du jour s’intéresse à la grande chanson française, et oui c’est possible. Si on en parle, c’est grâce à la parution d’un formidable ouvrage qui s’appelle Les arrangeurs de la chanson française: 200 rencontres, signé par Serge Elhaïk. Un pavé de 2000 pages qu’il a pris trente ans à écrire.
Dans cet ouvrage, il arrive à cette conclusion, cité par le journal Libération : « Les vrais arrangeurs avec partition, crayon et gomme, y’en a quasiment plus. A partir des années 20 et pendant un demi-siècle, ils ont écrit, à la note près, les orchestrations auxquelles musiciens et chanteurs devaient se conformer le jour de l’enregistrement. Mais à la fin des années 70, ce pouvoir s’est renversé. »
C’est toute cette histoire de l’ombre que ce livre raconte. On parle par exemple de François Raubert qui a arrangé pendant vingt ans les chansons de Jacques Brel, de Paul Mauriat avec Charles Aznavour. Mais dans les arrangeurs de chanson française, il y avait aussi Michel Legrand, Jean-Claude Petit, Vladimir Cosma, Michel Colombier avant qu’ils ne deviennent ces immenses compositeurs de musique de films dont on chante les louanges.
Que doit-on à ces arrangeurs ?
Les arrangeurs créaient les ambiances et les narrations instrumentales, c’était eux qui utilisaient des cordes mélancoliques ou des cuivres éclatants, et ces musiciens ont connu leur âge d’or dans les années 50, 60 et 70. Une période où on leur laissait à peu près tout passer. Libération raconte ainsi que Jean-Claude Vannier avait obtenu que l’orchestre de la Garde républicaine se déplace, à cheval, pour claironner sur le morceau « le Roi David » de Sylvie Vartan. Rien que ça.
Et ce même Jean Claude Vannier, a qui l’on doit notamment Histoire de Melody Nelson de Gainsbourg raconte le tournant de la fin des années 70, je le cite : « À la fin des années 70, on vivait un truc terrible : l’arrivée des synthétiseurs pas très au point, utilisés par des gens pas très compétents, qui se sont imposés pour des motifs moins artistiques qu’économiques. »
À partir de la fin des années 70 c’est donc la fin d’une ère, on est passé vers quelque chose de beaucoup plus do it yourself, les budgets n’étant plus les mêmes, on n’enregistre plus avec des orchestres. Les musiques actuelles qui trustent les charts, ce sont les musiques urbaines (rap, RnB, pop synthétique) qui ont bien souvent seulement besoin d’un beatmaker. Du coup, le métier ne paye plus et les arrangeurs disparaissent petit à petit, au sens littéral comme figuré.
Le papier qui leur est consacré est signé Eric Delhaye et est à retrouver dans Libération et la bible à consulter c’est le livre les arrangeurs de la chanson française de Serge Elhaïk aux editions Textuel. 2160 pages quand même.
En attendant un morceau divinement arrangé dans Bam Bam : C’est « L’hôtel particulier » de Serge Gainsbourg, extrait de la merveilleuse Histoire de Melody Nelson.
Bam Bam, c’est le Bureau des Affaires Musicales de Radio Nova, animé par Sophie Marchand et Jean Morel, du lundi au vendredi sur Nova.
Visuel : © Bertrand Rindoff Petroff / Getty Images